Fragment #167 – Un long week-end de shopping

Nous sortons de la gare, il fait beau, mais froid. Ailein frissonne dans sa mini-jupe. Non, vous n’avez pas rêvé, j’ai bien dit mini-jupe. Je sais que vieillir c’est difficile, mais s’habiller comme sa fille, c’est tout de même un poil pathétique. Mais bref. Roxane est emmitouflée dans son manteau, seuls ses longs cheveux blonds dépassent. Nous entrons dans le taxi, une ravissante berline noire ; je monte à l’arrière avec Roxane.
« Tu es déjà venue à Londres ?
- Non, jamais. Merci de m’avoir invitée. »
Elle a le même sourire que sa sœur, lumineux, chaleureux. Ailein discute avec le chauffeur, et ça ne m’étonne même pas. Je nous ai réservé une grande chambre dans l’hôtel où j’étais logée pour mon tout premier shooting.
« On dépose les bagages et on y va ? » Roxane a l’air particulièrement excitée.
« Je me change d’abord, chérie. Attendez-moi au bar. »
Ok, Ma’am. Nous nous installons dans les fauteuils club, commandons un thé et un whisky. Roxane me regarde un peu bizarrement, mais ne dit rien. Je m’enfonce dans les coussins, ferme les yeux. Me voilà de retour dans cette ville que j’adore. Fuck, j’ai oublié de prévenir Julia.
« Tu m’excuses ? Je vais passer un coup de fil. »
Elle hoche la tête, je me lève en direction des toilettes. Je compose le numéro, sors mon sachet de poudre de ma poche, et, le téléphone collé entre l’épaule et l’oreille, en verse doucement la moitié sur le rebord des toilettes.
“Hey Julia, dear ! Guess who ?
- Sylvia my love ! What’s up ?
- I’m in London with my girl’s mother and sister ! Are you there ? I miss you so much !
- Right now I’m in Dublin, but I’m back tonight, we have to go out together ! What the fuck are you doing ? My Gosh, are you taking DRUGS ?
- Ha ha, dear, you’re too smart. You know I can’t live without cocaine and without you !
- Too nice. Well, I call you back when I’m in London, I have to work. Bye bye.
- Bye.”

J’essuie ce qu’il reste de poudre avec le doigt, le frotte sur mes gencives. Tire la chasse, une habitude, par souci de discrétion. Jette un coup d’œil à mon reflet. Lorsque je reviens m’assoir, Ailein n’est toujours pas là.
« Euh, j’appelais, hum… Une amie qui vit ici.
- Tu fais ce que tu veux. Je peux goûter ?
- Hein ? Quoi ?
- Bah, ton whisky.
- Ah oui bien sûr. »
Je lui tends mon verre sans réfléchir, trop heureuse qu’elle ne parle que de ça. Sa bouche se tord en une grimace.
« C’est dégueulasse !
- On en reparle dans dix ans ? »
L’amertume descend enfin de mon nez dans ma gorge, elle m’emplit, me submerge, m’enrobe toute entière.
Ailein descend enfin, pantalon noir ultra moulant, pull bleu qui fait ressortir ses yeux.
« C’est bon ! Je suis prête pour partir à l’assaut d’Oxford Street ! »
Ce week-end va être très long.