Juxta Crucem
| Sujet: Fragment #5 - La nuque de Marco Polo 25.12.08 6:28 | |
| Jeudi 25 décembre 2008 à Venise Aurelia a raison : il faudra bien affronter Paris. Elle a trouvé la formule après sept Martinis. Je ne dois pas « revoir Camille », ni « annoncer à Camille que je ne l’aime plus », ni même « mettre fin à une relation de cinq ans ». Je dois simplement accepter l’idée de poser un pied sur le sol de Paris, où j’ai construit, depuis cinq ans, cette petite vie si inoffensive que j’ai peur d’affronter. Rentrer, c’est accepter l’idée de tout changer. Aurelia m’embrasse une dernière fois : _ Quand on change radicalement, on doit nécessairement se séparer de ceux qui symbolisent notre ancienne vie. Camille n’est qu’une victime collatérale. Ça ne change rien aux sentiments que tu as pu lui porter. Ni à ce que vous avez vécu. C’est simplement que ça ne te correspond plus. Pour Aurelia, tout est simple : il suffit d’être en accord avec soi-même et d’assumer, même son incohérence.
J’arrive à l’aéroport Marco Polo une heure plus tard et j’écoute mes messages en regardant le tableau des départs : 11h25 – Prague « Salut, c’est moi. Je me souviens plus quand tu m’as dit que tu rentrais de Dijon. J’espère que c’est sympa. Bisous. » 11h45 – Londres « C’est Camille. Tu as dû oublier ton chargeur. Je suis au boulot, si tu peux entendre ce message, rappelle moi. Je t’aime. » 11h45 – New York « Je commence à m’inquiéter. J’ai appelé Pierre, il m’a dit que tu devais rentrer dimanche. On est mercredi. Rappelle-moi. » 12h15 – Paris « C’est si génial que ça, Dijon ? Tu sais bien que je suis pas du genre à insister sur les répondeurs. Mais bon, je commence vraiment à m’inquiéter. Et tu devrais vraiment me rappeler avant que moi j’alerte toutes les polices d’Europe. Je t’embrasse. »
J’éteins le téléphone – il sera bien assez tôt pour lui parler – et je m’offre un café que je ne bois pas. Devant moi, la nuque d’un garçon me touche. Il est assis, de dos, seul lui aussi. Il doit, comme moi, attendre son vol. J’aime les cheveux noirs qui dépassent de sa casquette. Au bout de quelques minutes, il se lève ; j’ai déjà les yeux dans le vide depuis un moment. C’est quand il s’approche de moi que je me souviens de sa présence. Il doit avoir ma taille, de grands yeux souriants, un teint parfait et de belles dents blanches qu’il m’expose dans un sourire après m’avoir dit, en italien : _ Vous avez l’air aussi perdu que moi. Il doit avoir entre vingt et vingt-cinq ans. Il prend la chaise devant moi : _ Je peux ? Je ne réponds pas : il est déjà assis. Il continue, en français : _ Il me reste un peu temps. Je pars à Madrid. 12h20. Vous allez où, vous ? _ Paris. _ Qu’est-ce que vous veniez faire, à Venise ? Est-ce que je dois vraiment me livrer à un inconnu, comme ça, sans introduction et sans ménagement ? Qu’est-ce qu’il pourrait comprendre, à mon histoire, ce bellâtre sorti d’un Visconti ? Et puis qu’est-ce qu’il me veut, au juste ? _ Je peux quelque chose pour vous ? Il sourit, d’abord vexé. Et puis il prend une grande inspiration, comme un petit Casanova juste avant la réplique fatale : _ Vous pourriez, mais je n’oserais pas demander. Ca se voit tant que ça qu’il me plait ? Comme je ne réponds pas, il se penche pour reprendre son sac. Finalement, je lâche : _ Je suis venu à Venise pour éviter Paris. _ Alors pourquoi y retourner ? _ Une affaire à régler. C’est comme ça que j’appelle cinq années d’un amour parfait. _ Ca ne peut pas attendre ? _ Qu’est-ce que vous allez faire à Madrid ? Il sourit à nouveau. Je crois que je commence à l’aimer, ce sourire : _ Rejoindre des potes. Pour le 31. Il se lève, un peu troublé : _ Je suis désolé. J’aurais aimé te dire : « Ne rentre pas à Paris. Viens avec moi, n’importe où, pour quelques jours. On est aussi perdu l’un que l’autre. On s’y retrouverait peut-être. » Mais tu as l’air d’avoir des choses importantes à y faire. J’ai envie de lui répondre : « juste de changer de vie ». Juste expliquer à la personne qui partage ma vie depuis cinq ans que je ne souhaite pas un jour de plus en sa compagnie. Non pas que ça m’insupporte, mais simplement que je trouve ça inutile. Je me lève à mon tour, me rappelant du conseil d’Aurelia. Tôt ou tard, je devrai affronter Paris. Il n’y a pas à tarder. Juste à trouver un peu de courage.
Il me prend la main, en m’indiquant un écran qui affiche : « 11h25 – Prague ». Je hais la lâcheté des hommes. | |
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Altaïr
| Sujet: Re: Fragment #5 - La nuque de Marco Polo 25.12.08 13:52 | |
| Décidemment, on y fait de drôles de rencontres, à Venise... (pour mémoire, Julian y avait rencontre Joan, de manière tout aussi étrange...) | |
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Bételgeuse
| Sujet: Re: Fragment #5 - La nuque de Marco Polo 26.12.08 20:33 | |
| J'adooooooore !!!! (Mais pourquoi le début du dialogue est en français s'il est censé se dérouler en italien ???) Arf, c'est dur de changer de vie, mais courage mon Constantinou, tout sera tellement plus clair après. (Et moi aussi je l'aime, ce bel inconnu Ils vont se revoir, dis ??) | |
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Miaplacidus
| Sujet: Re: Fragment #5 - La nuque de Marco Polo 15.02.09 0:58 | |
| Les aéroports le nouveau lieu de rencontre par excellence :B. | |
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| Sujet: Re: Fragment #5 - La nuque de Marco Polo | |
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