Aldébaran
| Sujet: Fragment #46 - Révélation 10.04.08 17:11 | |
| Vendredi 1er septembre 2006 à Dijon Je suis de nouveau dans le labyrinthe. Le fils du roi Minos nous attend en son centre. Quand je dis nous, je repense à mes amis jeunes éphèbes et vierges unis dans la douleur d’avoir bientôt à mourir pour sauver nos villages. Ensembles sous les voiles battantes de ce bateau de Malheur. Nous sommes entrés dans le labyrinthe, et nous nous sommes séparés. Nous étions seuls. Nous risquions notre vie. Nous priions pour que d’autres trépassent avant nous. Je marche dans les couloirs étroits de ce que nous appelons entre nous « dédale » en honneur à son constructeur. Au centre, la Bête. J’entends ses cris, et ceux de mes amis d’un jour sacrifiés pour la Cause. Entre mes mains est le fil. Le beau fil bleu d’Ariane, celui que je déroule au fur et à mesure de mon avancée et qui m’aidera à en sortir. Mais pour le moment je n’ai pas encore dans la tête de le tuer, ce Minotaure. Il me fait bien trop peur. C’est une figure gigantesque qui pèse sur mes épaules, et que je ne sais porter. Ses yeux rouges flamboyants. J’ai peur. Je crève d’une trouille qui me tord les boyaux. J’en tremble de tout mon corps et je n’ai personne sur qui oser reposer. Ariane, toi qui m’as aidé à entrer, m’aideras-tu à m’en sortir ? Ariane, ma belle Ariane, aide moi à ne plus avoir peur, à ne plus être aveuglé par l’Image de ce monstre qui fait vrombir mon sang dans mes veines, qui fait battre mon cœur à exploser. J’ai peur. A en pisser dans mon froc. Je ressens cette envie de tout lâcher, de partir en courant, en criant comme un petit gosse qu’une ombre de couloir terrorise. Je suis dans un couloir. J’aperçois des ombres. Mais je n’ai aucun moyen de m’en sortir, non. Je ne peux qu’avancer pour me mettre face à face avec le Destin. J’essaye de reculer, de réenrouler la pelote autour de mon poignet, je ne suis qu’un trouillard en fait. La peur guide chacun de mes pas vers l’arrière, vers l’entrée du labyrinthe. Mais la pierre s’est refermée. Je recule pourtant, tétanisé par la peur, je suis mes instincts. Mais tout semble m’en empêcher, et je ressens que l’Image d’Ariane est en train de fondre dans mon cerveau, de disparaître comme neige au soleil. Ses yeux de glace fondent, son front dégouline. Ariane est en train de disparaître. Je ne veux pas te perdre, reste avec moi. Mais je continue de reculer, de m’éloigner de ce qui me fout les jetons. Et à chaque pas qui me ramène vers le jour, vers le grand air, les yeux d’Ariane se font plus durs, son image-fée devient brouillard. Entre mes mains, c’est même la pelote qui fond, un peu comme de la glace à la vanille, chaque brin devient un peu plus transparent, le fil de laine devient brume, j’ai de plus en plus de mal à le retenir, il s’échappe de mes doigts. Et j’ai de plus en plus peur, je panique vraiment, je n’ai qu’une envie, c’est de courir de revenir sur mes pas mais à chaque mouvement vers l’arrière, tout ce qui me rattache au monde réel disparaît peu à peu je ne veux pas te perdre mon Ariane mais je sens ton image qui fond et la laine qui se défait et devient transparente et moi seul avec moi-même au milieu du labyrinthe et moi tout seul avec cette peur cette peur de merde qui me bouffe les entrailles, cette peur qui me traumatise et qui me cloue au sol mais je recule et je recule encore je peine à combattre le Minotaure car c’est moi qu’il faut que je combatte d’abord, ma trouille de merde que je ne maîtrise plus mon corps que je ne maîtrise plus et cette Image d’Ariane qui fond totalement et qui s’éloigne de moi et ce fil qui vient de me passer à travers les doigts et qui n’est maintenant plus que du brouillard petit écheveau de brume qui se tord au sol et ma peur de tomber encore dans un de ces états que je n’arrive plus à maîtriser et qui me font peur maintenant qui me fichent la trouille à en chier dans mon froc et de tomber encore dans un de ces black-outs. Je me réveille. Jonathan est penché sur moi, une compresse d’eau froide à la main. Moi, au sol, en position fœtale tremblant encore de mon évanouissement, mon crâne encore un peu brumeux. Son corps nu au-dessus de moi semble auréolé par la lumière froide et limpide de l’ampoule du plafond. Il saigne. Il a des bleus. La commissure droite de ses lèvres est un peu contusionnée. Ce corps parfait que je voulais à moi me semble un peu fracassé, transformé par ma crise. Il voit mes yeux qui s’agrandissent. « Ce n’est pas grave, Jed, tu n’étais pas toi-même. C’est encore ces foutues crises. » Mes paupières papillotent un peu. La lumière du plafond m’éblouit. Jonathan, ce sont des ailes que je vois dans ton dos, et qui dévient la lumière. Tout est encore un peu flou mais j’entr’aperçois ta Vérité. Mon Archange nu tombé du ciel. | |
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