Fragment #27 - Non, je ne suis pas parfaite

Je ne suis pas certaine que mon petit Alex trouve les gants que je lui ai offert à Noël à son goût. Pourtant ils m'ont coûté chers et lui vont bien. Je passe autour de mon cou le collier qu'il m'a offert : quelle surprise, c'est justement celui sur lequel j'avais craqué lors d'une promenade dans Paris avec Alex, et que je lui avais montré. Il avait dû sentir que ça n'était pas anodin, car je ne suis pas le genre de fille à m'extasier devant un bijou. Ce collier, une fine chaîne, toute simple, tenant le petit médaillon d'argent serti d'un rubis, j'en serais presque amoureuse.
Les jumeaux sont allés chercher Josiane en voiture. Elle passait le réveillon avec tonton Jean-Thomas, sa femme et leurs deux enfants, Mathieu et Mathilde, de passage à Dijon après deux ans passés au Japon. Peut-être qu'ils passeront nous voir avant que je ne reparte à Paris. Personnellement, moi, je m'en fiche. Je n'ai qu'une hâte, quitter cette maison et la présence de Sylvie. Cette dernière m'épie. Elle voudrait me parler, je le sais bien, je le sens, mais elle a tant de chose à faire, entre le repas et ses parents qui passent Noël avec nous, ses enfants, sa belle-mère... Je n'ai jamais aimé cette partie de ma famille, les relents du Morvan, les accents champêtres et désespérément rustiques. Jean-Pierre, le chat, vient réclamer à manger en se frottant contre moi. Je le chasse d'un petit coup de pied. Hors de question que je m'attache à une bête qui porte le prénom de mon père, quoi qu'elle fasse pour m'attendrir. Rien ne pourra le remplacer dans mon coeur. Parfois, l'attitude de Sylvie me dégoûte. Ses petits cheveux roux, son visage laiteux et ses narines qui frémissent sans arrêt, son petit air affairé, sa maniaquerie. Je suis persuadée qu'elle n'a même pas fait le deuil de son mari, trop préoccupée qu'elle est par ses mille petits soucis quotidien. Et quand on s'appelle Sylvie Firent, on ne pleure pas, surtout pas, ça n'est pas digne. Je déteste ses manies, ses regards minutieux, ses gestes appliqués. Je me sens tellement étrangère à cette façon de vivre que vraiment, des fois, je ne comprends pas comment je peux avoir hérité de son code génétique.
« Alors, la parisienne, ça s'passe bien là-haut chez les cinglés ?
- Ca se passe bien, papi.
- Pas trop stressée par le métro, tout ça ?
- Non, moi j'aime bien le métro. »
Ma grand-mère hausse les sourcils. Ils n'ont pas l'air convaincu. Et ils semblent déçus. Leur petite Laura, c'est une fille de la ville, pas faite pour la beauté et la simplicité des choses de la nature. Pas comme les garçons, par exemple, qui, s'ils aiment le rythme de la ville, n'ont rien contre le calme apaisant de la campagne dès qu'ont les invite à Laroche-Milay.
Que voulez-vous. Personne n'est parfait.