Tureïs
| Sujet: Fragment #10 - Roman 27.12.08 2:50 | |
| Vendredi 26 décembre 2008 à Paris Mes pensées dérivent. Étranges choses que les pensées, on ne sait d’où elles viennent, comment un amas de cellules peut-il donner naissance à une idée ? Les émotions sont beaucoup plus compréhensibles. Je pense que les émotions rassemblent l’humanité tandis que les idées la divisent. Tout le monde peut comprendre la peine qu’on ressent suite à la perte d’un être cher : des parents, des amis, ou bien un fils. Par contre les idées, politiques religieuses divisent et séparent. Le bar 228 est presque vide ; assis dans un fauteuil en cuir marron, j’observe le serveur qui me prépare un chocolat viennois. Ses gestes sont lents, aucun n’est inutile. Pense-t-il à ses mouvements tandis qu’il agit ? Ses pensées commandent-elles ses membres ? Bien sûr que non, pourtant aucun ne dénote, danse lente et harmonieuse uniquement guidée par l’habitude et la pratique. Quelques minutes plus tard, un chocolat, couvert de chantilly et de noix de pécan, trône devant moi. Le serveur est retourné derrière son bar et patiente, attendant le prochain client. Brun, la peau mate et les yeux marron, c’est un parfait modèle du genre humain. Mais le plus beau, chez ce jeune homme, ce sont ses mains. Des mains fines et délicates, des mains de pianiste. Il pourrait faire la couverture de Gala, comme tous les employés du Meurice. Je détourne mon regard ; observer les inconnus ne se fait pas. La cuillère tourne dans la tasse, mêlant la chantilly et les noix au café. Elle tourne et tournent mes pensées, comme les aiguilles d’une horloge qui égrène le temps. Mes parents me manquent, la douleur de leur perte s’est effacée pour laisser place à un vide, vide que rien ne semble pouvoir combler. Personne avec qui la partager, personne pour s’en soucier. Je pense aux parents d’Olivier Monsant, à la douleur et à la peine qui affligent leur cœur. Cette vie que j’ai prise, unique et singulière. Ce potentiel qui jamais ne se réalisera, à cause d’une erreur de jeunesse, une faute dont il était à peine responsable. Pendant un an seule l’idée de le tuer m’a permis de tenir, unique but et sens de ma vie. Aujourd’hui, seul le vide m’accompagne, écorce inutile, marionnette singeant la vie. Une main se pose sur mon épaule, une main de pianiste. - Monsieur, monsieur, vous faites peur aux clients. Je relève mon visage plein de larmes, ne pouvant arrêter le flot des regrets. - Venez, venez avec moi , s’il vous plait. Ça va aller, je vais m’occuper de vous. Sa voix est chaude et douce, pleine de compassion et de tendresse. Je me lève sous le regard des clients, mon chocolat, refroidi depuis longtemps, seul sur la table. Le jeune homme me conduit dans la réserve et m’assoit sur une chaise. - Voila, ici personne ne vous dérangera. Il dépose à coté de moi un verre rempli de whisky et retourne à son service.
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Il me réveille quelques heures plus tard, il a l’air fatigué, ennuyé aussi. - Je vais vous raccompagner à votre chambre maintenant. Le trajet s’effectue dans le silence, je lui tends la clé de la porte, attendant qu’il l’ouvre. Je me sens vide, rien ne m’importe et je n’importe à personne, rien ne m’intéresse et je n’intéresse personne. Je me déshabille pour me mettre au lit, lorsqu’un toussotement m’interrompt. - Ah oui excusez moi. Je sors mon portefeuille et commence à compter les billets, pour le chocolat mais également pour le remercier et lui tend, au final, cent euros. Gêné, il n’ose accepter. - Vous avez terminé votre service ? - Oui monsieur, je termine à vingt heures ce soir, et je ne reprends que demain à vingt-et-une heures pour le service de nuit. - Bien, je sais que ça peut sembler étrange mais… Je rougis et baisse le regard, ne sachant comment formuler les choses et me rendant compte de ma tenue. - Oui monsieur ? Je lui réponds, regardant dans le vide pour ne pas avoir à affronter son regard : - J‘ai peur, ça vous dérangerait de rester avec moi, pour la nuit? Je le regarde et attends sa réponse, regrettant déjà ces paroles. Je lis dans ses yeux la surprise et l’étonnement, l’hésitation aussi. Il me répond, après quelques secondes qui me semblent une éternité. - Si vous le souhaitez monsieur. En boxer depuis le début de cette conversation, je lui tourne le dos, et me glisse dans les draps pour ne pas qu’il voit le soulagement que j’éprouve à ne pas passer cette nuit seul. Quelques minutes plus tard le matelas s’affaisse et il se glisse sous les draps. Le sommeil commence à troubler mes pensées, la dernière chose que j’entends c’est sa voix, grave et douce, qui me dit : - Je m’appelle Roman.
Dernière édition par Tureïs le 05.04.09 12:21, édité 2 fois | |
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Altaïr
| Sujet: Re: Fragment #10 - Roman 27.12.08 5:46 | |
| Putain, c'est trop trop beau | |
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Procyon
| Sujet: Re: Fragment #10 - Roman 28.12.08 16:49 | |
| A part "je ne reprend "
J'ai adoré. On découvre un nouveau Maël, capable de sentiment, conscient de son envie de tuer, ce qui est intéressant. Et quelle réflexion au début !!^^ | |
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Bételgeuse
| Sujet: Re: Fragment #10 - Roman 05.04.09 2:27 | |
| Hiiiiiiiii il a l'air trop cool ce Roman !! Frag très intéressant, et beau, aussi. J'apprécie que tu écrives les chiffres en lettres, mais par pitié, mets des "s" à "heure" quand il y en a plusieurs.... | |
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| Sujet: Re: Fragment #10 - Roman | |
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