Altaïr
| Sujet: Fragment #107 - Coup de Foudre 10.04.08 18:17 | |
| Lundi 9 octobre 2006 à Dijon Collision. Cheveux bruns – non, très bruns. Des papiers, des livres, des papiers, oui, des papiers partout – calme toi Julian – Je venais juste faire mon boulot et… elle, elle… Non, avant, avant ça encore ; des livres, des feuilles qui volent, une écharpe, un cri peut-être. Non, ce n’est pas ça. Je n’y comprends plus rien, tout s’emmêle dans ma tête. Revenons en arrière Je suis assis à la Bibliothèque Universitaire, je lis ce livre. Il est là, dans mes mains. C’est La Nausée, de Sartre. Je sais que c’est dangereux, mais je n’ai pas l’impression d’avoir le choix. Il y a cette tension en moi, palpable dans l’air, dans la table. Ca approche. Quelque chose. Mon regard passe sur les mots en les effleurant doucement. Le papier tremble entre mes doigts et je sens mon cœur qui pulse dans ma poitrine. Non, ça c’était après, je mélange tout. Mon cœur bat maintenant, ça s’est produit, mais tout à l’heure encore, assis à cette table, je ne savais pas que ça allait arriver. Pourquoi a-t-il fallu que je me lève ? Envie d’aller aux toilettes. C’était ça, le tremblement fébrile dans mes jambes ? Non, ça c’est autre chose. Je me suis levé, je ne pensais à rien d’autre qu’à ce livre et à mon envie pressante. Je me suis levé sans penser à ce qui allait se passer parce que je ne pouvais pas prévoir que cela allait arriver. J’ai contourné la table. Je me suis dirigé vers – vers quoi déjà ? Il y avait ces autres tables, ces rayons de livres. Les gens qui travaillent et les stylos qui crissent. Et sans prévenir, la collision. Je heurte de plein fouet une jeune fille et nous tombons tous deux à la renverse. Dans sa chute, elle lâche la pile de livres qu’elle tenait entre ses mains en poussant un petit cri de surprise. Les bouquins s’éparpillent sur le sol. Les gens rient. On a tous les deux relevé la tête, on s’est regardé. Les autres n’étaient plus là. Je crois que c’est là que ça a commencé, le brasier dans ma poitrine. Ca bat, ça ferait presque mal tant ça tape fort. Brune, très brune. Cheveux longs et légèrement ondulés. Une odeur douce qui me rappelle… Visage à moitié emmitouflé dans une grosse écharpe qui me masque sa bouche et son cou caché par l’épais col de son pull noir pas très féminin. Ses yeux noirs, très noirs, me lancent d’abord un regard plein de colère, puis se radoucissent au contact des miens. Elle se met à ramasser les livres disséminés autour de nous en balbutiant une excuse que je ne parviens pas à comprendre. Je veux l’aider, mais mes mains tremblent, il ne faut pas qu’elle s’en aperçoive. Nous nous redressons, nos regards se croisent à nouveau. « Désolée, je suis maladroite, finit-elle par dire. » Elle a l’air toute perdue. Je la regarde sans savoir quoi dire. « Je suis en première année alors… je suis un peu… tu vois ce que je veux dire… » Dis quelque chose Julian, dis quelque chose ! Pourquoi faut-il que ma foutue bouche reste fermée ?! Je regarde sa peau, sa peau de bébé qui a l’air si douce, je voudrais la toucher, je voudrais la… « Bon, fait-elle, eh bien à plus ! » Elle va partir. Elle va s’éloigner avec sa pile de livres, comme toutes les autres, elle va disparaître de ma vie et je vais rester sans bouger à la regarder partir comme ça, s’évanouir de mon existence. Non, pas cette fois. « Heu… eh ! » Bon, j’avoue, j’aurais pu essayer de sortir quelque chose de plus travaillé, mais elle s’est retournée. Après tout, c’est ce que je voulais, non ? La voilà qui revient, sa pile de livres dans les bras. Elle me regarde. « Je… je m’appelle Julian. Je suis en troisième année de Lettres… - Ah oui ? s’exclame-t-elle. Moi aussi je suis en Lettres ! » Silence gêné. Nous nous regardons. Je ne sais pas quoi lui dire. Je voudrais… « Bien, fait-elle, je… je vais te laisser Julian… Il faut que j’y aille... Elle se retourne et commence à s’éloigner, puis, sans prévenir, fait une dernière fois volte face. « Je m’appelle Lola… » | |
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