Altaïr
| Sujet: Fragment #3 - Ma luciole 08.04.08 11:43 | |
| Mercredi 22 février 2006 à Dijon Je suis éjecté de la demeure des rêves et me retrouve propulsé dans la réalité, au cœur de mon temple du sommeil. Les dernières images de mon rêve commencent à se désagréger comme un édifice de sable rongé par l’écume, et je m’empare vivement du carnet à songes pour y griffonner les derniers souvenirs de ce cauchemar dont je me suis moi-même expulsé. Avec une douce satisfaction, je croque ma vengeance à pleines dents en coupant le réveil avant même qu’il n’aie le temps de me vriller les tympans. C’est une vengeance froide, certes, mais je la savoure délicieusement. Accélération du tempo temporel. Miroir ébréché au dessus du lavabo. Je plante mon regard dans mon reflet fatigué, deux perles de feu noires sous leurs arcades de sourcils froncés. Quelque chose dans les traits durs de mon visage qui inspire la peur. L’eau glacée n’y change rien, ni même les vaines tentatives que j’esquisse pour y dessiner un sourire. Le temps, de nouveau, semble changer de rythme. Elle est assise au bord de la fontaine, dans le jardin de l’Arquebuse. Nalvenn semble pensive, luciole égarée dans les embruns glacés. Je viens m’asseoir sur le rebord de pierre. Elle tourne lentement son visage vers moi, et s’illumine d’un sourire, frais et doux. J’admire son aptitude à se parer d’allégresse, alors même qu’elle souffre, sans rien laisser paraître. Elle nous fait oublier tous nos soucis, efface les siens comme les miens, ange sans pitié. Seul un vieil ami tel que moi est en mesure de déceler, derrière toute sa lumière, les empreintes de la tristesse et du chagrin. « Bonjour, mon islandaise, lui glissè-je à l’oreille tandis qu’elle m’enlace. » Nous nous promenons parmi les allées de fleurs hibernantes, flânant paresseusement, ressassant les souvenirs des années passées, âmes profondément nostalgiques. Nalvenn est la seule à savoir me faire rire, la seule en compagnie de qui je peux ne plus penser à rien. Et je l’appelle ma luciole, car elle est cette petite lueur de vie, cette étincelle de feu, perle de rosée étincelante et chargée de joie. Derrière cette cascade scintillante de bonne humeur, je sens les aspérités de la glace et de la douleur. Et pourtant je n’ose lui en toucher mot, par crainte de briser cet instant fugace de nonchalance bienheureuse qu’elle m’offre de partager. Alors nous marchons quelques heures, sans regarder devant nous, enfants d’une génération enivrée qui ignore où le vent la portera, mais se laisse bercer par la houle avec espoir, en attendant le naufrage. A la fin de la journée, quand le soleil entame sa descente dans les brumes du crépuscule, Nalvenn me quitte pour retourner chez elle, et je prends la route de mon temple du sommeil, le cœur lourd et léger à la fois. Miroir ébréché au dessus du lavabo. Je me regarde et je ne comprends pas. Mes yeux brûlent la surface du reflet. Il y a ce pantin organique, cette figure de chair, d’os et de cartilages, petit tabernacle de conscience renfermant tout un monde. Regard à la fenêtre. Les gens passent dans la rue, se hâtent doucement. Des centaines, des milliers, des milliards de petites boîtes de consciences. Je m’effondre sur mon lit. Vertige de la grandeur du monde. | |
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Altaïr
| Sujet: Re: Fragment #3 - Ma luciole 08.03.09 20:54 | |
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Altaïr
| Sujet: Re: Fragment #3 - Ma luciole 08.03.09 21:30 | |
| Oui, alors bon, pour expliquer le dernier com de Bétel ^^ A la base, j'avais écrit mes premiers fragments au passé simple, et comme ensuite on mis le présent comme règle obligatoire, j'avais tout réédité a posteriori. | |
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| Sujet: Re: Fragment #3 - Ma luciole | |
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