Altaïr
| Sujet: Fragment #119 - Le Poids d'un Souffle 10.04.08 18:26 | |
| Dimanche 22 octobre 2006 à Dijon Cet après-midi, l’oncle Jean est passé sans prévenir. Comme à son habitude. Il ne prévient jamais. Il passe comme ça, comme un coup de vent. J’ai l’impression que ça fait une éternité qu’on ne s’est pas vu, mais lui me dit que cela remonte à un peu moins de deux mois. Il me remémore ce rassemblement familial, qu’il qualifie lui-même de pathétique, à l’occasion de l’anniversaire de mariage de mes parents. Jean n’a jamais aimé les réunions de famille et autres débordements de ses liens sanguins. C’est un solitaire. Un peu comme moi, finalement. Je le regarde fumer à la fenêtre de mon appartement. Assis sur mon lit, je me sens gauche, empoté. Comme j’aimerais avoir son assurance, la mobilité gracieuse de ses doigts qui portent à sa bouche le petit tube empoisonné. J’aurais dû me mettre à fumer au lycée, maintenant il est trop tard, je n’aurais même pas le bénéfice de l’inconscience liée à l’âge. Je voudrais être un souffle de nicotine, tout léger. Aller et venir, comme toi, cher oncle, sans me soucier des autres, ne penser qu’à moi. Parce que ce n’est pas déjà le cas ? Non, je me soucie sans cesse de vous. Vraiment ? C’est bon, ne commence pas Julian, je me soucie sans cesse de vous. Papa et Maman, quand lâcherez-vous mes chevilles ? Ils finiront pas mourir, tu sais. Je sais, je ne le sais que trop. C’est cela qui est lourd. Moi je veux être un souffle, je veux pouvoir partir quand j’en ai envie. Retourner à Paris. Mais il y a la fac aussi. Je ne supporte plus ces études. Si ça continue, je finirai par tout envoyer balader, je me trouverai un petit boulot pour me payer l’appartement, je me lancerai dans ma vie. Ma vie. Quand les rennes d’une existences se changent en serpents de plomb enserrant nos membres avec violence. Je voudrais tant être libre, mais ça me fait peur. Moi je suis un lâche, vous savez. Je ne sais pas aider ceux qui en ont besoin, Nalvenn par exemple, alors comment pourrais-je m’aider moi même ? Non, c’est bien plus confortable de rester ici, dans ce petit cocon d’habitude, sans rien changer. Tu es responsable de ta vie. Nous sommes d’accord sur ce point, chère conscience. Je vais partir, je vais tout arrêter. Prendre ma vie en main. Et Lola ? Mon cœur se gonfle. Le souffle de nicotine se fond dans le ciment. Je m’alourdis. | |
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