Bételgeuse
| Sujet: Fragment #20 - Des poissons et des hommes 10.04.08 20:06 | |
| Vendredi 28 juillet 2006 dans les environs de Perpignan Je devrais crier, hurler à m’en déchirer les poumons. C’est ce qu’une personne en état normal ferait. Là, dans la nuit, elle pousserait un râle effrayant, entre les sanglots et le cri d’horreur, qui crèverait le voile délicat que les étoiles ont déposé sur le monde, la ville, cette petite ruelle. Elle serait tombée à genoux dans ce hurlement, les petites veines de la tempe auraient pété dans ce cri et ces pleurs et cette peur. L’amplitude de l’Acte, avant même que l’information n’ait été traitée par le cerveau, aurait du créer un frisson dans l’atmosphère, de petits cercles de plus en plus grands, comme lorsqu’on jette un caillou à l’eau, de petits cercles invisibles de plus en plus grands jusqu’à envelopper les premières personnes aux alentours. Le flot rouge du sang jaillit du cou de l’homme. Le sang de l’homme a envahit ma bouche, ma gorge. J’en sens encore de minuscules gouttes qui tombent de mes dents du haut sur ma lèvre inférieure lorsque j’entrouvre la bouche. Je le regarde sans le voir, je SAIS sans me rendre compte. Mon esprit vagabonde au-dessus des poubelles, jusqu’à retrouver la plage, le sable, et l’eau si pure, dans laquelle il plonge pour se rafraîchir et oublier. Il rencontre des petits poissons-clowns, j’ai toujours adoré les poissons-clowns, avec leurs couleurs vives, ces couleurs se mélangent dans ma tête, elles se mêlent au sang que mes yeux voient, et puis je suis en face d’un gros poisson-clown, mais pourquoi hurle-t-il ? « Sylvia ! » C’est Francis, cette voix lointaine ? Est-ce Francis ? Je n’entends plus très bien, je me sens lourde, lourde, j’ai la tête qui tourne. Je vole ! Je vole, mes pieds quittent le sol ! Ma tête penchée en arrière balance sur mes épaules, et sur les épaules d’un autre poisson-clown, qui murmure dans mon oreille : « Qu’est-ce qui s’est passé, Sylvia ? » Je souris en guise de réponse, montrant le sang de l’homme qui dégouline en moi à qui veut bien le voir. Bientôt, je retombe mollement sur une surface moelleuse et dure. On pose du froid sur mon front, le froid à l’état pur, humide et glacial. « Tu m’entends ? Fais-moi signe si tu m’entends ! » Etait-ce vraiment ce que j’ai entendu ? C’était si lointain, c’était peut-être juste « Où est Maman ? Appelle vite Maman ! » Mon buste se soulève, puis à nouveau mon corps entier. On penche ma tête en face du vide. Je sens quelque chose dans le fond de ma gorge, au milieu du sang de l’homme. Le sang de l’homme part bientôt dans le vide, avec le grand vide de mon corps, qui forme une mousse blanche. Surface dure et moelleuse. Froid à l’état pur. Tête qui tourne… Le vide. | |
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