Fragment #33 - Un homme endormi

Pierre dort. Il est à coté de moi, dans mon lit, sous mes draps. Son visage est détendu. Je ne sais pas ce que j’éprouve. Tout est mêlé. La haine. Elle est encore là, les braises rougeoyantes et la cendre encore chaude. De la pitié aussi et un peu de mépris, je ne supporte pas de voir les gens s’effondrer devant moi, c’est comme si ils manquaient de politesse. Ça ne se fait tout simplement pas. Quelque chose de plus chaud semble s’éveiller tandis que je l’observe. Je ne sais pas ce que c’est. Peut-être de la compréhension et de la compassion ; peut-être une pointe d’affection.

Je l’ai baisé. Hier, après la lutte.
Ma lange a essuyé les traces de ses larmes lorsqu’elles se sont taries, mes caresses ont gommé la douleur sur son visage meurtri. Peu à peu mes baisers sont devenus les siens et ses mains ont remplacé les miennes. Au départ, dans son regard, je pouvais lire l’acceptation. Plus tard est venue la passion. Je l’ai déshabillé et étendu sur ma couche, tout en embrassant sa bouche.
Puis la douceur est passée et j’ai commencé à le baiser. Sans attendre je l’ai retourné, sans préliminaires je l’ai pénétré. Il a hurlé de douleur et de plaisir mêlé. Je voulais lui faire mal, l’avilir, le rabaisser. Je l’ai défoncé, éclaté, déchiré. Dans un cri ma haine s’est écoulée.
On a ensuite beaucoup discuté. Je ne pense pas que nous ayons fait la paix. Mais on a trouvé un accord.

Je me lève doucement. J’enfile un peignoir et me dirige vers le bureau. Je ferme la porte, pour ne pas le déranger. Je regarde le papier posé à coté du téléphone et appelle mon banquier. Je laisse un message sur sa messagerie. Je retourne me coucher à ses cotés.
Mardi son compte sera crédité de 25000 euros, mardi il pourra payer un cœur à sa petite sœur.
C’est beau un homme endormi.