Fragment #35 - On ne sait jamais

Apparemment, le coup de fil que Louis a passé pour joindre Maura n'a pas eu le succès escompté. Et comme je ne me vois pas débarquer à l'hôpital et demander à la gentille infirmière qui a soigné Julian d'aller demander à Florian quel est son mot de passe sur le jeu vidéo qui occupe toutes ses soirées, je commence à me demander de quelle manière je vais bien pouvoir nous sortir de là. Robin, depuis le début, persiste à dire que je devrais parler directement à Florian. Le problème, c'est que ça donnerait à peu près ceci :
« Salut Flo, tu fais quoi ?
- …
- Tu veux pas me parler ?
- …
- Florian, je suis inquiet pour toi, tu sais.
- Il faut pas.
- On peut parler ?
- Non, je joue.
- On pourra parler quand ?
- ... »
C'est à peu près comme ça que ça se passe systématiquement, et il n'y a pas de raison pour qu'aujourd'hui ce soit différent d'hier. Il faut donc que quelqu'un aille lui parler directement depuis le jeu. Mais pour ça, il faut le retrouver sur le jeu, et pour ça, il faut connaître son pseudonyme.
« Eh dis Flo, je peux te demander un truc ?
- …
- C'est quoi ton pseudo sur ton jeu là ?
- C'est « fous-moi la paix », merci.
- Ok... »
Les yeux rivés sur l'écran, injectés de sang, il ne me regarde même pas. Je vais m'enfermer dans ma chambre, le coeur lourd. Je refuse de voir mon frère se couper du monde comme après son agression il y a des années. Et il est hors de question d'en parler à papa et maman, qui ne comprendraient pas, ou même à Julian, qui a besoin de se changer les idées avec Lola et leur fille dans leur chez eux parisien.
Mes doigts composent le numéro de Robin et plaquent le téléphone contre mon oreille. Allongé sur le dos dans mon lit, j'écoute la sonnerie retentir dans mon tympan.
« Allô ?
- Robin, c'est moi.
- Coucou mon Lilou.
- Dis, tu m'accompagnes à l'hôpital demain ? Il faut que j'aille parler à Maura Malvo. »