Fragment #2 - Mon Dieu, qu'ai-je fait ?

L'appartement paraît si calme quand les garçons ne sont pas là. Le lundi, je pars toujours après eux puisque je n'ai pas cours le matin. Après une bonne douche, je me sers un café bien chaud. Tornade vient tourner quelques secondes autour de mes chevilles puis saute sur le canapé pour venir se coller à moi.
« Tu le sens que ta maîtresse ne va pas super bien, hein ? »
Il ouvre à peine les yeux.
« Tu comprends pas ce que je te dis. T'es pas un mâle pour rien. »
Voilà quand même que je parle à mon chat. J'avale ma tasse de café d'un seul trait. Le liquide brûlant fini de me réveiller. Passage par la chambre pour l'habillage et petit passage express devant le miroir de la salle de bain. Juste une crème hydratante parce qu'il fait froid, mais pas de maquillage. Jamais. Je suis comme je suis. Avec mes qualités et mes défauts. Ou plutôt mes imperfections. Passons.
Je passe l'aspirateur. Range les quelques affaires qui traînent, et lance une machine. Après une bonne heure passée à ça, l'appartement est à nouveau tout propre. Faut que je m'occupe l'esprit maintenant. Surtout ne pas penser à ce week end. J'ouvre un bouquin sur la grammaire anglaise. Pendant de longues minutes, mon esprit s'applique à lire et retenir ce que je lis. J'aime ce que je fais. Étudier l'anglais, pour peut être un jour devenir prof ou bien interprète. Et puis, c'est comme être toujours un peu plus près de Sean. Je ne résiste pas à l'envie de l'appeler juste comme ça, pour l'entendre. Il va me dire qu'il est au boulot et qu'il est occupé, mais il conclura quand même par son « Love ya » qui me fait frissonner de plaisir à chaque fois. Le téléphone sonne une fois. Puis deux. Sean décroche.
« Salut baby.
- Hey hon'. What's up ? Tu as bien dormi ?
- Oui, oui. Et toi, ça va ? Tout se passe bien ?
- Yeah. On bosse avec ton frère. Ian doit venir nous corriger ce matin. Je traîne pas.
- Ok. Je vais te laisser. Je t'embrasse fort. A ce soir.
- See ya hon'. Love ya. And good luck for your exam.
- Merci. Je t'aime aussi. »
J'appuie sur la petite touche avec le téléphone rouge. S'abat alors sur moi, le poids du mensonge. Le poids d'une culpabilité latente, qui me suit comme mon ombre depuis plus d'un an et demi maintenant. Elle s'est introduite en moi et ne me quittera certainement jamais. Mon Dieu, qu'ai je fait pour mériter cela ? L'amour peut-il être aussi destructeur ? L'amour que je porte à mon frère mais aussi celui que je porte à celle qu'il a tant aimé, me pousse à mentir, à mener une double vie, à me battre chaque jour pour ne pas exploser, ne pas craquer.
Cet après midi, il n'y aura pas d'examen, pas d'oral, pas de partiel. Juste mes cours habituels du lundi. Mais je devais trouver une excuse pour pouvoir aller la voir, parce qu'elle n'allait pas bien. Parce qu'elle aussi souffre. Tous les jours. Il n'y a pas une journée qui passe sans qu'elle ne m'appelle, sans qu'elle ne me demande comment Damien va. Est-ce qu'il sourit ? Est-ce qu'il refait sa vie ? Est-ce qu'il pense encore à elle ? Et je réponds tous les jours que oui. Il pense à elle sans cesse. Qu'il en rêve, qu'il en fait des cauchemars. Que des fois, il va bien mais l'instant d'après, je sens qu'il pourrait s'ouvrir à nouveau les veines et laisser la vie le quitter. Et je lui dis que moi aussi, j'aimerais qu'elle revienne. Que nous puissions vivre comme avant. Pas cachées. Mais Sofia n'est toujours pas prête.

Putain, c'est horrible :(