Fragment #36 - Une Laura grosse

Ce matin, j'ai fait une chose que je ne fais jamais habituellement : je me suis pesée. Et j'ai constaté avec horreur que la « malbouffe » m'avait vaincue. A force d'ingurgiter chaque jour la merde en forme de nourriture dont on nous gave à McDo, j'ai pris quelques kilos. Forcément, ça devait arriver un jour.
Alors à partir d'aujourd'hui, c'est fini. Je ne mangerai plus rien là-bas, d'une part, et je me mets à la diète, d'autre part. Et je vais me remettre à bouger, aussi, parce que même sans manger gras, je sens que je risque de s'empâter. Et une Laura grosse n'est pas une Laura heureuse.
Alex n'est pas encore levé et je dois me dépêcher si je ne veux pas être en retard au boulot. En prenant mon petit-déjeuner, je griffonne une liste de courses sur un post-it et le colle sur le frigo. Pourvu qu'il ne fasse aucun commentaire en voyant que je n'ai recommandé que des légumes !
Mes doigts épluchent une mandarine, et la peau orange vif vaporise dans l'air des petites particules évanescentes. Il faudrait que je filme ça, que j'arrive à en capter l'essence, comme dans le générique de Dexter (série que je ne suis pas, mais dont il faut avouer que la qualité visuelle est épatante) que Javier m'avait montré une fois : on y voit un couteau coupant une orange, et le jus qui gicle alentour dans un nuage d'acide. J'ai toujours aimé ces images du réel, ces phosphorescences, ces buées, ces ombres, ces reflets, ces chatoiements irisés, ces mouvements imperceptibles et éphémères. Je suis amoureuse de Gus van Sant pour ses plans du ciel, et de Francis Ponge et de ses vers décrits au peigne fin.
Évidemment, dans mon entourage actuel, personne n'est en mesure de comprendre ce genre de considérations. A part Damien. Raison de plus pour garder la forme et ne pas le perdre.
Une Laura grosse n'est pas une Laura heureuse, et une Laura malheureuse est une Laura chiante.