Jeudi 29 janvier 2009
à Paris
22h58. Je regarde la machine à café. Je vais prendre un Moka. Je mets ma pièce dans la fente, elle descend.
Gling. Clac. Pssshhhhhhht. Toc. Boisson prête. Je prends mon verre. Je vais m'asseoir. J'entends courir dans le couloir. Je vois passer Fabien. Il m'a dit qu'il était de VSAV jusqu'à demain. Je vais m'asseoir près du bar. Je déplie le journal. Je suis bien réveillé. En même temps j'ai dormi toute la journée, pour justement ne pas arriver fatigué. Il me reste quarante-cinq heures à rester éveillé. Ce n'est rien. Rien du tout. Ça va passer vite. J'espère.
La porte s'ouvre sur Yoann le caporal jovial.
« Tu bosses aujourd'hui ?
- Comme tu le vois. Alors ? Bien renté l'autre soir ?
- Oui oui.
- C'est un bon coup ?
- Je me souviens pas trop à vrai dire.
- Tu m'étonnes, dans l'état où t'étais ! »
Il ricane et prend la page sport du journal que je suis en train de lire.
« Hey Gros ! Tu l'as sauté ? »
Mathieu vient d'arriver, et n'a pas pu s'empêcher de crier en me voyant.
« - Euh...
- Elle était pas top quand même.
- Ouai c'est sûr. »
Fabien arrive à son tour, suivit de Mohamed. Je n'ai pas besoin de répondre cette fois, les autres répondent à ma place. J'ai l'impression de ne pas exister. Pourtant ils parlent de moi, et de cette blondasse. Pétasse.
Je m'étonne d'entendre que je ne suis pas le seul à être rentré accompagné. Mohamed aussi apparemment.
« Ouai mais j'ai pas couché avec, moi. »
Je lui demande si c'est à cause de sa religion.
« Non. Je suis musulman par habitude. Pour suivre l'exemple de mes parents. Je n'ai pas attendu le mariage pour coucher, tu m'imagine. »
C'est Fabien qui enchaîne :
« Ça existe encore alors, les mecs qui ne couchent que lorsqu'ils ont des sentiments.
- Ouai en temps normal je suis plutôt comme ça. Mais là, la meuf elle m'a dit que je me suis endormi pendant qu'elle me suçait, alors on a rien fait. »
On est obligé de se marrer en entendant ça.
Mon rire est écourté par une sonnerie stridente. Je lâche le journal et part en courant.
Yoann est assis à l'avant, à côté du conducteur ; il ouvre la petite lucarne qui permet de communiquer entre l'avant et l'arrière.
« Hey Steph, il t'a raconté le p'tit comment il a finit l'autre soir ? »
Forcément Stéphane me regarde et n'attend qu'une chose ; que je lui raconte.
Il y a derrière la rigidité militaire, une franche camaraderie. Malgré tout, j'ai toujours du mal à me sentir chez moi ici.