Je repasse, j’aime effacer les plis, si seulement ça pouvait être aussi simple avec ceux de ma vie. Voilà, la dernière chemise est toute lisse, une « banana republic » de style militaire sauf qu’elle est bleue, au lieu d’être vert kaki.
Après trois heures de repassage, je vais enfin pouvoir m’habiller. Mais avant, une petite clope bien méritée. Je me pose à la fenêtre et allume ma cigarette. La première bouffée est toujours la meilleure, surtout après quelques heures d’attente. Les gens passent dans la rue sans se douter qu’un meurtrier les observe, vêtu en tout et pour tout d’un boxer. Un mois sans repasser…
Un jeune homme fume une clope sur le trottoir d’en face tandis qu’une mamie traîne son cabas : elle revient sûrement du marché. Deux jeunes habillés à la mode banlieue passe devant le jeune fumeur qui cache sa clope par peur de se faire taxer. Il lève les yeux, me regarde et me sourit puis me salut. Merde, je crois que c’est Elyan. Maintenant que j’y repense, il est là depuis le milieu de la matinée.
Qu’est- ce qu’il me veut ?
Je lui fais signe de monter, curieux et agacé. Il sonne alors que j’enfile un jean. Je lui ouvre la porte de l’immeuble et passe rapidement ma chemise. Quelques boutons fermés plus tard, il se tient devant moi, souriant et ravi.
- Bonjour, vous allez bien ?
- Non, j’aimerais savoir ce que tu fais en bas de chez moi depuis ce matin.
- Je vous attendais.
- Tu attendais quoi ?
- Bah que vous m’invitiez à monter.
- Mais pourquoi ? Qu’est-ce que tu veux ?
- Rien, ma mère m’a déposé en ville ce matin, je lui ai dis que je voyais des amis. En fait, je voulais venir chez vous… euh toi.
- Mais on ne s’invite pas chez les gens comme ça. J’appelle ta mère.
Je me détourne et retourne dans le salon, saisissant le téléphone au passage.
- S’il vous plait, ne l’appelez pas. Je suis désolé, je ne voulais pas rester chez moi tout seul et je ne savais pas quoi faire seul en ville.
J’hésite, je ne sais jamais quoi faire avec ce môme. Enfin, môme… Bon, en même temps je ne savais pas quoi faire de mon après-midi.
- Bon d’accord, mais dans ce cas on ne reste pas ici. On va aller faire un tour en ville.
- Cool ! Par contre vous devriez boutonner votre braguette avant de sortir.
Son sourire coquin m’en dit long sur ses pensées… Et en plus il continue de me vouvoyer.
*****
- Ouais maman, je dors chez des amis, t’inquiète pas pour moi.
- …
- Oui, promis. Bisous.
Elyan raccroche, un grand sourire aux lèvres.
- Ça me gène un peu que tu mentes à ta mère.
- Elle s’en fout.
L’après-midi a été très sympathique. Seul point négatif : il s’est fait dragué par un serveur dans un café, alors qu’on se reposait. Mon regard noir a écarté cet importun, mais je ne pense pas qu’Elyan ait capté. Je préfère ne pas penser à ce sentiment de jalousie qui m’a titillé. Il porte les converses Bleu flash que je lui ai offertes.
Pauvre Tureïs, je pense qu’Elyan aime te martyriser. Les deux terreurs sont en train de jouer, l’un griffant tandis que l’autre le taquine.
Je ne sais pas trop ce qui se passe, je me sens très protecteur envers Elyan, un peu comme le grand frère que j’aurais voulu être. Elyan se penche encore pour jouer avec Tureïs et la raie de ses fesses apparaît.
Mouais, je doute qu’un grand frère materait comme je le fais… La soirée n’a même pas commencé.