Fragment #11 – Noël en famille

Je tremble comme une feuille. Je rêverais de tirer une latte sur la clope que Sylvia tient lascivement entre ses doigts. Elle me regarde, me sourit, et pendant une seconde j’oublie le moment qui arrive. Elle écrase la clope du bout de ses escarpins, et je suis censée appuyer sur la sonnette. Mes mains sont paralysées par le froid et l’appréhension.
« Lulla ?
- Oui ?
- Tu veux que je sonne ? »
Je ne réponds pas.
« T’inquiète, ça va aller. »
Elle appuie. C’est Roxane qui nous ouvre, elle est renversante dans une petite robe noire toute simple.
« Waow, vous êtes trop belles. J’adore ta robe, Sylvia.
- Merci, gamine, la tienne n’est pas mal non plus. »
C’est la première fois que je vois Sylvia sourire aussi chaleureusement et prendre quelqu’un dans ses bras.
Nous déposons nos manteaux dans l’entrée, tout le monde est dans le salon. Ma mère se jette sur nous, et je le vois qui nous lance un regard noir. James. Je me demande comment il est possible que nous sortions du même ventre. Marc est en cuisine, évidemment, il arrive les mains mouillées.
« Salut les filles ! Vous allez bien ? »
Je suis polie, alors je dois tout de même dire bonjour à mon demi-frère. Je lui lance un « Salut » sans couleur, auquel il répond à peine. Sylvia, dans un élan de je ne sais pas quoi, s’avance vers lui.
« Salut, James. Je suis Sylvia. Et tu pourrais te lever et nous dire bonjour. C’est le genre de choses que font les personnes bien élevées. »
Putain, ça va saigner, je le sens. Qui a eu cette putain d’idée de faire rencontrer deux saloperies pareilles le soir de Noël ?
Contre toute attente, il se lève, lui fait la bise.
« Contente de te rencontrer.
- Ouais, ouais, moi aussi, marmonne-t-il.
- Bon, les filles, vous buvez quoi ?
- Oh, Ailein, en parlant de ça ! »
Elle sort la bouteille de champagne de son sac.
« Il faudrait la remettre au frais.
- Oh, Sylvia, il ne fallait pas ! Marc, chéri ? Tu veux bien mettre ça au frigo ? »
Je m’installe dans le vieux canapé tout défonce, Maman m’apporte une caipirinha, et un whisky pour Sylvia. James nous observe, et cela me glace le sang.
J’inspire profondément, le cauchemar commence.