Antarès
| Sujet: Fragment #23 - Cervelles d'oiseaux 11.04.08 11:18 | |
| Lundi 2 avril 2007 à Dijon J'entre dans l'amphi au même moment que la prof. Je la suis jusqu'en bas et m'installe au deuxième rang tandis qu'elle rejoint le bureau. Tandis que je sors mes affaires en hâte, je peux entendre les piaillements débiles venant de la rangée située juste derrière la mienne. Je connais ces voix par cœur. Ce sont celles de David, Charlotte et toute leur clique. Je pense qu'après une année de cours passée à moins de deux mètre d'eux, je pourrais écrire leur biographie. Je pense que celle de Charlotte aurait toute sa place aux côtés de celle de Loana. D'ailleurs, j'ai la chance de connaître en avant première et en détails sa nouvelle expérience sexuelle d'hier soir. Le tout ponctué des beuglements virils de ce cher David. Le fait que la prof ait commencé son cours ne les perturbe en rien et ils continuent de plus belle. Je tourne la tête dans leur direction, espérant leur faire comprendre que j'aimerais bien suivre le cours. Mais ils ne me voient même pas. Je parcours la rangée des yeux et me rends compte que j'ai vraiment de la chance d'être moi et pas l'un d'eux. David, ses cheveux en pics et son éternel survêtement blanc, Charlotte, avec ses écharpes en fourrure et son petit sac à main noir, Alban, toujours prêt à aboyer dès qu'un prof déborde de trois secondes sur l'horaire, Aurélien, le beau gosse de service qui passe tous les cours à peloter sa copine dont je ne connais même pas le nom, tous m'insupportent. Le plus triste dans tout ça, c'est que cette rangée constitue un échantillon représentatif de la population estudiantine. Ecœurée, je me retourne pour rattraper le demi-tableau de retard que je viens d'accumuler. J'essaye d'oublier mes pathétiques collègues et me plonge dans la compréhension de la preuve du théorème du rang. Malheureusement, la voix nasillarde de Charlotte franchit mon mur de concentration et des mots comme « sodomie » ou « jouit » font irruption entre « endomorphisme » et « espace de dimension n ». Je crois qu'un jour je vais la frapper, j'en peux plus... « Bon maintenant ça suffit ! Non mais vous vous regardez, on se croirait au collège ! » La prof se met à pousser une gueulante qui rétablit le silence. Ca fait tellement de bien de ne plus les entendre. « Alors je vous préviens, si ça continue comme ça, il y en a certains qui vont passer à la porte ! » La prof attend encore deux secondes, puis reprend son cours. Après cinq secondes de calme, les discussions resurgissent, comme s'il ne s'était rien passé. Telle l'autruche qui lorsqu'elle enfouit sa tête dans le sol croit qu'on ne la voit pas, l'étudiant pense que quand le prof a le dos tourné, il ne l'entend pas. Cette petite réflexion interne me fait sourire. Je me remets à écrire, imaginant Charlotte avec une tête d'autruche. | |
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