Antarès
| Sujet: Fragment #30 - Déluge 11.04.08 11:24 | |
| Vendredi 8 juin 2007 à Dijon Je descends du bus. Le temps très couvert ainsi que les grondements du tonnerre m'incitent à ne pas traîner. Mon sac de cours sur le dos et un bouquin de maths dans les bras, je me dirige vers la maison. Il me reste encore quelques jours pour réviser, il va falloir carburer. Heureusement que je n'ai plus de cours. Bon, en arrivant, je m'attaque à l'électrostatique. Il faut que je revoie les TD et... Un énorme coup de tonnerre me fait sursauter et je manque de faire tomber mon livre. Ce serait dommage de l'abîmer, je doute que les gens de la BU apprécieraient... Cette réflexion me conduit à ranger le bouquin dans mon sac. Alors que je me remets en route, la pluie se met à tomber. Peu à peu, le bitume chaud se couvre de petites tâches noires. Mon T-shirt fait de même. Je n'ai pas le temps de soupirer que l'averse s'accentue. Il me reste encore quelques centaines de mètres avant d'arriver chez moi. J'accélère le pas. Les gouttes sont de plus en plus grosses et nombreuses. Elles s'écrasent par milliers sur la route avant de venir gonfler les petits torrents qui s'écoulent déjà dans les caniveaux. Bon, je crois qu'il va falloir courir, ce sans quoi mes cours risquent se transformer en papier mâché. Après avoir pris une profonde inspiration, je m'élance en sprint au milieu du déluge. Mon T-shirt est maintenant totalement imbibé d'eau et le tissu détrempé me colle à la peau à chaque inspiration. J'ai vraiment du mal à courir, entre les gouttes d'eau qui viennent me fouetter le visage et mon sac trois fois trop lourd, sans compter mon jean alourdi par les litres d'eau qu'il absorbe à chacun de mes pas dans les flaques. Encore quelques mètres... J'en peux plus. J'aurais dû manger ce matin. La pluie redouble d'intensité. Les trombes d'eau qui s'abattent devant moi m'empêchent de voir où je vais. Une forme vague devant moi. La maison. Je suis presque arrivée. Je pousse le portail, à bout de souffle. Lorsque je pose la main dessus, la nausée s'empare de moi. Oreilles qui sifflent, tête qui tourne. Je m'appuie contre le muret pour ne pas tomber. Tout se brouille autour de moi. Merde, qu'est-ce qui se passe ? Une forme s'approche lentement de moi. J'écarte une mèche de cheveux humide de mon champ de vision. Une fille... Qui est-ce ? Elle avance lentement mais sûrement. Bientôt, je me rends compte qu'elle est nue. Je ne comprends rien du tout. Et toute cette eau qui nous entoure. Je crois que je commence à paniquer. Elle avance encore. J'arrive maintenant à distinguer les traits de son visage. C'est... Mon sang ne fait qu'un tour. C'est... moi. Mon cœur bat à cent à l'heure. La voilà à mon niveau. Elle s'arrête. Un silence pesant s'installe. Non, ce n'est pas vraiment un silence.Il y a une sorte de bourdonnement lointain, un écho, comme dans une grotte. Un bruit d'eau qui ruisselle également. Nous nous faisons face, sans bouger, sans rien dire. Il faut que je parle, qu'il se passe quelque chose... Au moment où j'ouvre la bouche, le ventre de la fille s'agite. Quelque chose bouge sous sa peau. Mon dieu... Une boule sous son épiderme, qui remonte. Un frisson me parcours le corps. La boule est maintenant au niveau de l'œsophage. Je voudrais ne pas regarder mais je n'y arrive pas. Subitement, la fille ouvre la bouche et se met à vomir. Elle vomit de l'eau. Des litres et des litres d'eau noire qui s'échappent de sa bouche grande ouverte et se répandent à ses pieds. C'est ignoble... J'essaye de crier mais aucun son ne sort de ma bouche. Je suis obligée d'assister à ce spectacle. Mon double, moi, en train de... Je sens quelque chose couler sur ma joue. Une larme ? Je m'essuie avec le dos de la main. Mais ça continue. Je n'arrive pas à me retenir, les larmes coulent, sans s'arrêter. Merde ! De l'eau noire s'écoule le long de mes joues, sur mon cou, mes vêtements, mes pieds. Je ne voie presque plus rien. Je cache mon visage dans mes mains pour essayer de contenir le flot mais rien n'y fait. L'eau noire continue de s'écouler de mes orbites vides. De ma bouche, de mon nez... Je vais mourir. Je me réveille en sueur. Je regarde autour de moi, paniquée. Je suis sur le canapé du salon. Maman ? Ma mère me serre soudainement dans ses bras. Je ne comprends pas. « Reste allongée ma chérie, je suis là. » Sa voix m'apaise. Je laisse retomber ma tête sur le coussin. | |
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