Fragment #11 - Concertation

Elle regarde à travers la vitrine, comme si de rien n'était. Depuis le bureau, je la dévisage, mon menton posé dans la paume de ma main, soutenue par mon bras accoudé sur le bois ancien. Je hais cette vieille femme. Lorsqu'elle entre dans la boutique, Elisabeth ne me salue pas. Elle se promène entre les antiquités, comme une simple cliente qui tient à rester discrète et sourit poliment aux objets. Finalement, son cheminement l'amène devant le bureau, où ses doigts osseux et vieillis font tourner un petit globe terrestre.
« Alors, dit-elle sans me regarder, quelles sont les nouvelles de l'Enfer ?
- Rozia m'a confié une mission, je dis avec sècheresse.
- Quel genre de mission ?
- Une mission qui outrepasse le job que j'avais accepté, c'est pour cette raison que je souhaitais obtenir votre aval.
- Je t'écoute, Maya. »
Elisabeth conserve sur le coin de ses lèvres un petit sourire méprisant. Cette vieille peau ne lâche pas un seul regard dans ma direction. Je crois bien que notre haine est réciproque.
« L'Enfer veut que j'espionne une fille. Laura Firent.
- Tiens donc.
- Ca vous dit quelque chose ?
- C'est la petite-fille d'une vieille connaissance, en effet.
- Je vois. Est-ce qu'elle garde une relique ?
- Est-ce que cela te concerne ?
- Si je dois l'espionner, je préfère en savoir le plus possible.
- Toi, ou l'Enfer ?
- Elisabeth...
- La dispersion consiste à perdre les reliques à travers le monde, Maya. Nous ne sommes pas censés inventorier les personnes entre les mains desquelles elles se trouvent.
- Ok, je vais donc marcher à l'aveuglette.
- Je ne vois pas d'un très bon œil le fait que l'Enfer décide de t'accorder plus de responsabilités.
- Cette mission n'est pas due à un excès de zèle, je peux vous l'assurer. On essaye de me tester.
- Alors aucun des deux camps n'a plus confiance en toi, vois-tu. »
Elisabeth s'éloigne. Ma voix s'échappe de ma bouche avec colère.
« Qu'est-ce que je suis censée faire ?!
- Fais ce que l'Enfer te demande, Maya. Tu n'as pas vraiment le choix. »
Je la regarde sortir de la boutique. A aucun moment elle n'a jeté un regard sur moi. Je sens trépigner dans mon cœur une colère vive et déchaînée. Mais Elisabeth a raison, je le sais. Je n'ai pas du tout le choix. Soudain, le téléphone se met à sonner. Je ravale ma haine et tente de me calmer avant de décrocher.
« Allô ? »
Dans le combiné, la voix d'Elisabeth se fait entendre.
« Oh, une dernière chose, Maya. J'ai appris que tu avais dit à Charly que l'un des nôtres avait été tué. Si tu tiens à rester parmi nous, je te déconseille de transmettre d'autres informations erronées. Bonne fin de journée. »
Elle raccroche. Je reste interdite derrière le bureau, incapable de bouger, incapable reposer le téléphone. Julian serait donc encore vivant ?