Fragment #36 - Rêve quatrième : la famille

Une sensation agréable... De l'eau. De l'eau chaude qui s'écoule sur mon corps. J'ouvre les yeux. Les vitres de la cabine de douche sont toutes embuées par la vapeur brûlante qui s'élève tout autour de moi. Bon, il est temps de sortir. Je ferme le robinet et la douce sensation s'évanouit. Je sors de la douche, enfile mon peignoir et me dirige vers ma chambre. Je traverse le long couloir, arrive devant la porte et entre. Je m'arrête net. Assis sur mon lit, le regard perdu dans le vide, Léopold me fait face. Pendant quelques secondes, je ne sais pas quoi faire. Finalement, je reprends mes esprits et demande doucement :
« Qu'est-ce que tu fais là ? »
La question le sort tout d'un coup de ses pensées. Il dirige son regard vers moi et un large sourire se dessine sur ses lèvres.
« Déborah ! Je t'attendais.
- Comment ça ?
- C'est ta mère qui m'a demandé de venir. Elle m'a dit que tu n'allais pas très bien...
- Elle t'as dit ça ? »
Les paroles de Léopold résonnent dans ma tête. Alors elle a remarqué... Pourtant j'ai tout fait pour le cacher.
« Alors, tu me racontes ? »
Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'il s'intéresse à ça ?
« Non, tout va bien. Je ne sais pas ce que t'a raconté maman, mais ne te fais pas de soucis.
- Hum... Tu n'es pas très douée pour mentir en tout cas. »
Il se lève, s'approche de moi et me prend par les épaules.
« Je sais que tu veux parler. Tu en meurs d'envie. C'est pour ça que je suis venu.
- Mais non, je... je... »
En fait j'ai envie de pleurer. Léopold... On se connaît à peine et tu viens déjà à mon secours. Je le serre dans mes bras.
« Tu sais Déborah, si tu as des problèmes, tu peux en parler. Et eux aussi sont là pour ça. »
Je lâche mon cousin et regarde derrière moi. Mes parents se tiennent debout, devant l'encadrement de la porte. A nouveau, j'ai les larmes aux yeux. Je ne suis pourtant pas si sensible d'habitude. Mais ça me fait du bien. A force de tout garder à l'intérieur de moi je vais finir par exploser. D'autant qu'il y a des gens pour m'écouter, pour me soutenir. Je souris à mes parents. Ils me sourient en retour. Maintenant, je me rends compte que s'il n'étaient pas là, je serais vraiment perdue. Parce qu'une famille, c'est irremplaçable.
Non ?
Soudain, un grondement sourd se fait entendre. Le sol de la chambre se met à trembler et une lézarde se propage entre moi et mes parents. Je les regarde, paniquée. Derrière moi, Léopold me saisit le bras tandis que des gerbes d'eau noire sous pression se mettent à jaillir de la fissure.
« Il faut que tu partes d'ici !
- Encore cette histoire ? Mais qu'est-ce que c'est ? »
Sans répondre à ma question, Léopold m'entraîne en direction de la porte. Nous passons à toute allure entre les jets d'eau noire, puis devant mes parents, avant de nous retrouver dans le couloir. Là, Léopold me lâche.
« Cours vite en direction de la salle de bain. »
Sans plus réfléchir, je m'exécute. Je cours le plus vite possible dans le couloir tandis que sur les murs, de multiples tentacules formés d'un liquide noir se développent et rampent dans ma direction. La porte de la salle de bain n'est plus qu'à quelques mètres. J'accélère, pour ne pas me faire prendre par la chose qui se trouve derrière moi. Je ne sais pas ce que c'est mais je sais que c'est là. J'atteins enfin la porte. Je me jette sur la poignée, ouvre et plonge. Sans comprendre comment, je me retrouve sous l'eau, emportée par un violent courant. Loin au dessus de moi, à la surface, un gigantesque grondement se fait entendre.