Fragment #51 – Carnage

Mes yeux s'ouvrent et je sens ma tête bourdonner de sang. Un goût âcre plein la bouche. Le pare-brise a éclaté devant moi. J'entends des sirènes et des cris. Je vois des lumières en rafale. Des visages qui se cachent, des mains sur les yeux des enfants. Un homme me crie des choses derrière la vitre, mais impossible de le comprendre. Je tourne la tête et je sens que mon cou est bloqué par une douleur vive. Mes yeux courent de gauche à droite et de droite à gauche, paniqués. Merde, je peux plus bouger. Je peux plus bouger. Je peux plus bouger ! Je voudrais lever mon bras, mais pas moyen, et je sens même plus le sang dans mes jambes. Dans le rétroviseur, je vois les corps sans vie de Julian et de Lola. Le camion que nous avons percuté a défoncé l'avant de la voiture et des pompiers essayent de sortir le conducteur bloqué derrière son volant, en face de moi. Une puanteur indescriptible me monte au nez et me donne la nausée. Je vais gerber. Je vais gerber. Allez Florian, encore un effort. Tourne la tête. Mon visage se crispe violemment. La douleur bloque tout mouvement. Je vois seulement la silhouette de Robin, qui git sur le siège passager. Un éclat de métal l'a décapité avant de broyer son thorax. Je dégueule. Peux plus rien contrôler. De la bile plein la trachée. Ça me brûle de l'intérieur. Ferme les yeux. Manque de m'étouffer. Je veux pas voir sa tête par terre, je veux pas voir ses boyaux qui gerbent sur ses jambes. Je dégueule sur moi sans parvenir à me baisser. Odeur de bile et de sang. Derrière la vitre, le type me crie des trucs incompréhensibles, comme si j'étais sous l'eau et que sa voix était en sourdine. Je comprends rien. Je comprends plus rien. Je lui lance un regard plein de larmes, du vomi sur le menton. Sortez moi de cette putain de caisse, je veux pas rester ici avec trois cadavres, je veux pas voir leurs corps et sentir la putréfaction. Envie de hurler. Je veux sortir putain de bordel de merde sortez moi de là je vous en prie je peux pas avec cette chair découpée putain cette chair découpée ils sont plus vivants ils sont plus vivants et moi je suis là avec eux et je peux plus bouger coincé bloqué paralysé paralysé paralysé putain je vous en prie je veux juste sortir de ce cauchemar de ce putain de ce putain de cauchemar et plonger dans les bras de maman et ne plus penser à rien je veux oublier que j'ai vu ça maman je t'en prie je t'en prie je t'en prie je veux pas que ce soit réel je veux pas que ce soit réel je veux pas que ce soit réel.
Je vous en supplie, sortez moi de là.