Antarès
| Sujet: Fragment #45 - Dies Dominicus 11.04.08 11:42 | |
| Dimanche 13 janvier 2008 à Dijon Cela fait déjà plusieurs minutes que je suis réveillée, mais je reste dans mon lit. Car à nouveau, dimanche est revenu. Etendant ses longs bras au-dessus de la ville, il plonge celle-ci dans un profond sommeil. Seul le tintement d'un clocher dans le lointain vient briser le silence de plomb qui s'est installé durant la nuit. C'est sinistre. Le bruit de la circulation, devenu si familier après toutes ces années, est aujourd'hui absent. Alors même la déesse automobile est impuissante face au fléau dominical... Mais qui oserait braver le dieu dimanche ? Les quelques téméraires qui s'y risquent reviennent très vite à la raison. Il n'y a rien faire face à ces portes closes, ces rues vides, ses rideaux de fer partout. Seule échappatoire, se réfugier dans le monde chimérique de la télévision, et attendre que ça passe. Mais là encore c'est un leurre, car même le petit écran est sous l'emprise du démon. A l'image de notre monde, il ne s'y passe absolument rien. Les plus malchanceux passeront même leur après-midi devant Michel Drucker et ses sbires, incarnations même de la toute puissance dominicale. Je ne veux pas assister à tout ça. Je ne veux pas constater mon impuissance. Mais... En restant comme ça, prostrée sous ma couette, est-ce que je ne vais pas dans le sens des adorateurs du dimanche ? Est-ce que je ne suis pas en train de faire le jeu du jour maudit ? Je tire ma couette et me lève. Un coup d'œil au réveil, neuf heures vingt-huit. Encore un quinzaine d'heures à tuer. Je sors de ma chambre, descends les escaliers. Pas de bruit. Juste le tic-tac de la grande horloge du salon. Du haut de ses deux mètres, la dame de bois, maîtresse du temps, me lance un regard hautain. Neuf heures trente. Les aiguilles bougent au ralenti aujourd'hui, et le balancier semble plus lourd que jamais. Mon estomac criant famine me pousse à m'éloigner de cet engin de malheur pour me diriger vers la cuisine. Là encore, tout est silence. On peut même entendre le ronronnement du frigo. J'ouvre les placards, à la recherche de quelque chose à me mettre sous la dent. C'est là que je remarque ce petit mot posé sur le plan de travail.
Ma chérie, je suis au marché avec ton père. Il y a des croissants frais près du micro-ondes. Profites-en pour goûter la confiture de ta grand-mère, ça lui fera plaisir. Gros bisous, Maman.
Le marché. Je l'avais oublié. La dernière poche de résistance. Le lieu où se rassemblent ceux qui ont décidé de faire face à l'ennemi. Un lieu où se mélangent personnes, sons et odeurs. Les commerçants qui crient, la foule entre les étals, les poulets rôtis exhalant leur parfum... Peut-être que papa et maman vont ramener quelque chose de bon. Cette idée m'enchante et m'ouvre encore plus l'appétit. Je ne tarde pas à débusquer les croissants et à les dévorer, entamant ainsi ma lutte contre le plus terrible des jours de la semaine. | |
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