Fragment #188 – On préférait les anciennes à ces nouvelles

Samedi 16 mars 2009
à Paris

11h47. Je referme la grille derrière moi. Elle me propose le chinois. J'accepte. De toute façon ce que je vais lui annoncer risque de lui couper l'appétit. Lundi j'ai été directement à la caserne en descendant du train, je ne suis rentré chez nous que mardi soir, mais elle dormait. J'ai croisé Laura en coup de vent pendant deux jours avant de retourner bosser et de revenir dans la nuit. On n'a pas eu le temps de discuter réellement, pourtant je dois lui en parler. Il est à peine midi, mais nous nous installons. Je n'ai pas déjeuné, juste un crouton de pain quand elle est revenue à onze heures. Je venais de me lever.
Me voilà rafraîchi, habillé, assis et près à parler.
« Tu as choisi ?
- Euh, disons que c'est toi la spécialiste du chinois, je prendrai comme toi. »
Lorsque le jeune homme aux yeux bridés vient nous demander ce que nous avons choisi, elle commande avec son joli sourire et ses yeux pétillants. Si elle savait.
« Bon Laura.
- Oui, tu as dis que tu voulais me parler.
- Je suis rentré à Dijon le weekend dernier. Et j'ai deux nouvelles à t'annoncer. Une mauvaise, et un autre.
- Commence par la mauvaise.
- Julian, ton ex, a eu un accident de voiture, lui, son grand frère et Lola, vont plutôt bien. Par contre le copain de Lilian est décédé dans l'accident.
- Et tu me dis ça comme ça. Tu crains. »
Ses yeux se sont un peu embués. Je sais qu'elle ne connaissait pas Robin. Mais elle connait bien Lilian. Elle comprend le drame, l'assimile et le digère. Je comprends sa douleur, et la partage. J'ai l'impression qu'elle ne m'écoute pas dans la suite de notre discussion. J'essaie de lui raconter comment nous avons vécu cette annonce Lilian, Déborah et moi. Je lui dis combien il est triste. Je lui parle de Julian qui a eu de la chance. J'essaie de plaisanter sur le fait que la prochaine fois qu'elle se promène avec Damien, il faut qu'il évite de taper sur Julian s'ils se croisent, même si c'est un ex, il doit déjà être assez mal en point. Mais ça ne la fait pas rire. Ni même sourire.
Maintenant j'aimerais changer de sujet. Lui parler d'autre chose. Je plante mes baguettes dans mon riz cantonnais. Je n'arrive pas à manger grand chose. Décidément c'est pas pratique. Je prendrais bien mes doigts mais ça ne se fait pas.
« Il doit être dépité. Dis lui de venir passer quelques jours vers nous je suis sûr que ça lui fera du bien de changer d'air.
- Maman sort avec un collègue à elle.
- Quoi ? La garce. Et toi tu appelles ça un bonne nouvelle.
- J'ai pas dit que c'est une bonne nouvelle. Mais je n'ai pas dit non plus que c'est un mauvaise nouvelle. C'est sûrement bien pour elle.
- Papa est mort il y a moins d'un an.
- Elle est seule.
- Papa est mort il y a moins d'un an. »
Je me tais. Avant qu'elle ne salive une fois de plus pour critiquer la mère, je lui relance Lilian, sa déception, et Robin mort en pleine face. Elle s'émeut à nouveau. Je n'ai pas vraiment envie d'en parler. Je voulais simplement la mettre au courant. Maintenant j'utilise Robin pour éviter de parler de ma mère. C'est triste.