Shedar
| Sujet: Fragment #12 - Si votre vie était une fonction 11.04.08 12:15 | |
| Vendredi 19 janvier 2007 à Dijon Dix-huit heures, fin des cours, début de ma quotidienne liberté conditionnelle. La petite voix du grand prof de maths résonne encore en moi, indigeste. Alors comme ça l’intégration par parties fait souffrir le blondinet !? Mon p’tit bonhomme, apprend d’abord tes formules de dérivation, on en reparlera après, éventuellement. Dérivera bien qui dérivera le dernier... Je peux enfin voir la porte, à quelques dizaines de mètres. J’ai oublié la raison exacte de ma venue mais c’est une anomalie qui perd de son importance à une vitesse vertigineuse, exponentielle. Je me sens bien ici, maintenant. Presque aussi bien que d’habitude. L’ambiance est troublante. Comme si la nature laissait voir les premiers symptômes d’une catastrophe urbaine, une catastrophe de grande envergure. Pause... Je suis à Dijon. Je ne suis pas stupide. Il y a bien longtemps qu’un cyclone n’est pas passé dans la région où aucun volcan actif n’est à répertorier, donc aucune raison de fuir le plus loin possible ou de chercher à s’abriter le plus vite possible. Aucune raison de se sentir en danger ou à l’aube d’une nouvelle ère et de sa crise géologique caractéristique. Aucune raison d’être tendu. Ca détend. Play... Cependant l’ambiance est troublante. Pause... Play. J’ai déjà vécu de mille façons divergentes la minute où cette porte s’ouvrira. S’ouvrirait. Mais même dans mes pensées les plus incertaines cette minute n’a jamais porté le masque d’un évènement surnaturel. L’hiver est malade cette année mais j’ai quand même besoin d’emboîter deux pulls pour m’en défendre. C’est anormal, je crois. Anormal mais pas irréel. Pas irréel mais presque. Je crois... A l’assaut du doute, je fais du regard le tour du décor en listant approximativement les refuges d’un jour et issues de secours à portée d’une poignée de seconde, quand un bruit m’interrompt. Un bruit que je connais. C’est le bruit d’une porte qui se referme. Je m’énerve alors brièvement de ne pas l’avoir vue s’ouvrir puis réalise que je n’ai vu personne autour avant, et que je ne vois pas une seule âme de plus à présent... Impossible d’accepter si facilement que la porte se soit ouverte sans que personne n’entre ou ne sorte, je n’en dormirais pas. D’ailleurs j’aimerais mieux dormir à cet instant, et rêver, rêver que j’ai raté de trop peu l’évènement que j’ai tant attendu pour ne pas en souffrir. Mais cette douleur est bien trop insupportable, dans aucun monde elle ne pourrait provenir d’un rêve... Je ne désire plus que m’asseoir. Le trottoir s’exécute immédiatement à satisfaire ce caprice, délicieux... Si votre vie était une fonction, votre destinée serait sa dérivée... Pour une fois j’espère qu’il a raison. La situation présente étant explicitement nulle, j’ose encore espérer que cette soirée n’est qu’un minimum local de mon existence. | |
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