Shedar
| Sujet: Fragment #13 - Tortue préhistorique 11.04.08 12:16 | |
| Vendredi 26 janvier 2007 à Dijon La neige avait commencé de fondre mais la nuit en a décidé autrement. Et ma ville est désormais prisonnière d’une banquise de passage. Le chat examine minutieusement chaque millimètre de terrain avant d’y poser une patte. A côté de lui je marche comme un manchot saoul... Je tremble. La température n’y est pas pour rien. Et l’angoisse la soutient dans son effort. L’angoisse d’avoir égaré mes repères sous le manteau blanc de l’hiver. Entre vite. Et laisse le vent dehors... A l’intérieur, il fait bon. Vraiment. Quelques secondes suffisent à m’apaiser. Peut-être quelques bouffées d’air. Peut-être aussi quelques repères. Chez la petite dame tout semble intouchable, hors d’atteinte de tout ce qui peut se passer dehors ou même ailleurs. Elle semble vivre très détachée du monde. Je me sens bien, dans sa maison, car loin de la réalité, comme dans un autre monde. Un monde merveilleux, où la princesse est ridée. Un monde où vivent la plus incroyable des petites dames, le plus moelleux des fauteuils et les plus délicieux des chocolats chauds. En voilà un justement, de chocolat chaud. Ce n’est pas le même bol que la dernière fois, cependant c’est le même que la première fois. Celui dans lequel elle avait peut-être versé du poison avant mon réveil. Une petite bulle de vérité qui n’éclatera jamais. Ce sont peut-être de nombreuses petites bulles aussi invulnérables que celle-ci qui font la différence. Un bouclier de mystères. Une carapace de tortue préhistorique. Des petites bulles invulnérables comme celle qui renferme les photos. Ses photos. J’ai même encore du mal à réaliser que la plus inconnue des vieilles m’a suivi avec mon cher Nikon. J’ai même tellement de mal à le réaliser que ce souvenir s’est rangé de lui-même dans le tiroir des rêves étranges, trop étranges et tellement étranges que chacun d’entre eux porte la mention « à ne pas refaire de si tôt ». Elle avait même photographié la porte. Comme pour me dire qu’elle savait déjà tout. Mais comment pourrait-elle savoir... J’ai très peur d’avoir apporté mes questions pour trop peu. Peur de ne pas trouver la force de les déposer sur la table du salon. Peur des réponses. Peur de la porte. Je repose mon bol. La petite dame sourit, et moi aussi. C’était un chocolat chaud digne de ce nom... J’irai ouvrir cette porte et lire les mystères qu’on appellera « problèmes », puis je reviendrai demander les solutions à la petite dame. Peut-être que ce jour-là, elle cessera de me parler comme un prophète. Peut-être qu’alors je ne me sentirai plus si petit devant cette si petite dame. Peut-être qu’alors je trouverai la force de lui demander qui elle est, d’ouvrir une brèche dans son blindé de petites bulles... J’aimerais tant lui dire qui je suis, qu’elle me dise qui elle est... | |
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