Mardi 14 avril 2009
à Villeneuve-Saint-Georges
10h17. « Dans ce cas là, que faîtes vous ? Morelli par exemple.
- Moi, euh... Ben déjà je m'approche de la victime, je teste la conscience, et euh... si elle est consciente je regarde s'il n'y a pas de corps étranger, je fais une compression directe, et si elle est inconscient je commence par les 3C, BPTA et RCP...
- Tout seul ?
- Ben...
- N'oubliez pas que vous êtes en équipe Morelli. Ça vaut aussi pour les autres.
On reprend, mettez-vous en situation où vous êtes le chef d'équipe, que faîtes-vous ?
... »
Je regarde et m'imprègne de la situation, j'intègre au fur et à mesure. Je connais les principes et les bases du secours à victime ; mais forcément à Paris il faut qu'on se démarque et qu'on n'emploie pas exactement les mêmes méthodes qu'en province. Il faut que je refonde mes réflexes dans des moules made in Paris.
Devant à gauche de la salle Mohamed baille en silence. Il a le cul campé sur sa chaise, les coudes enfoncés dans la table, et la tête calée dans ses mains. Il a l'air de s'ennuyer à mourir, c'est vrai que c'est long. Surtout si ils comptent tous nous faire passer au tableau chacun notre tour. Entre ceux qui ont du mal à exprimer ce qu'ils pensent et ceux qui ont du mal à penser tout simplement, la salle est pleine de jeunes gens prêts à nous ralentir. Ils ont pourtant envie de réussir. Tous. Mais certain seront exclus pour une faute plus ou moins grosse à l'examen final. J'espère ne pas faire partie de ceux-là.
C'est un rêve, une passion ; on sert la main de ce métier depuis septembre de façon plus précise que jamais auparavant, ce serait si dommage d'être obligé de s'arrêter maintenant. Il faudrait renoncer à l'ambition de toute une vie, ou recommencer. Mais recommencer jusqu'où ? Au même point ? Échouer avant ? Arriver jusqu'au bout ? On n'a pas le droit de douter de nos motivations. Celui qui doutent trop longtemps échouent forcément. Il faut être sûr de réussir, jusqu'au bout, jusqu'à l'échec ; sinon, comment résister à la pression subie par le corps et l'esprit. Pourquoi faire de son lit un carré chaque matin si on n'est pas sûr d'en avoir envie, pourquoi faire des tours de cour d'honneur au pas chantant des chants militaires si on n'est pas persuadé que c'est pour la bonne cause ? Pourquoi ?
Je veux être un pompier de Paris, un de ces soldats d'élite, j'y parviendrai. Coûte que coûte.