Shedar
| Sujet: Fragment #20 - Le temps aime 11.04.08 12:27 | |
| Mardi 20 mars 2007 à Dijon Je n’en reviens pas. De la neige. En entendant les enceintes du petit écran annoncer cet évènement, j’ai cru que ce n’était qu’un canular. Mais non. Il neige. Et devant l’originalité des circonstances, on se sentirait presque obligé de préciser qu’il neige de la neige. De la neige... Manquerait plus qu’elle tienne. Heureusement non, mais le reste n’en est pas moins inquiétant. Les saisons s’emmêlent... Je n’ai pas de problème avec les saisons. Mais les gens râlent. Je suis certain que les deux mamies assises dans ce bus à quelques mètres de moi épiloguent encore mieux que moi sur ce sujet. Pour les gens, il fait toujours trop chaud ou trop froid. Et puis ils n’ont pas eu d’hiver, comme ils disent. Mais au nom de qui ou de quoi auraient-ils droit à ce qu’ils appellent un hiver ?... Au fond je suis d’accord avec les gens. Les saisons s’emmêlent peut-être un peu trop à mon goût aussi pour que je n’ose encore m’y repérer... Les saisons sont un peu comme une famille. Je n’ose plus me repérer à ma famille depuis qu’elle s’emmêle un peu trop à mon goût. Mon frère semble s’être démêlé de tout cela. Ou je l’espère... J’arrive enfin au parc. Il n’y a presque personne. Les joggeurs sont les seuls à oser affronter le temps, bien qu’il soit lunatique au point de faire parler les gens. Peut-être que le temps n’est pas si inhumain. Peut-être qu’il aime que les autres parlent de lui. Peut-être que le temps aime... Je ne vois pas Déborah. J’espère que mon message ne l’a pas trop alarmée... J’espère qu’elle a pu venir aussi. Je m’assois sur ce banc. Le même que la dernière fois. J’en ai juste envie, je ne le justifie pas. Ou peut-être qu’ayant déjà eu à faire à ce banc j’ai plus confiance en lui qu’en un autre... Déborah me rejoint d’un pas stressé, et la voix stressante de la jeune fille me contamine immédiatement. J’aurais dû lui écrire de quoi il s’agissait... La pauvre... Déborah, détends-toi ! Ce n’est pas si grâve ! J’emboîte mon regard dans le sien mais ne peux produire le moindre son, et c’est insupportable... Et si le temps est capable d’aimer, il ne m’aime pas, moi. Il est impitoyable, laisse les secondes s’écouler devant mes lèvres paralysées. Peut-être qu’il aime cela. Traître... Déborah c’est horrible ! C’est précisément de ces sanglants silences dont je voulais te parler !... C’est une prison... Pourtant, face à Michelle, je m’étais évadé... Romain !.. Romain... Je suis allé voir mon frère. Enfin presque. Il n’était pas là. Et depuis je n’ai pas réessayé de le revoir, j’ai peur de ne pas savoir quoi lui dire, peur de n’avoir en réalité rien à lui dire, ou de ne pas trouver les mots et de combler le silence avec la première débilité venue qui lui prouvera que je n’ai pas changé et que je ne serai jamais que son petit frère... Mais j’ai besoin de lui moi ! J’ai besoin d’être son frère, et j’ai besoin qu’il soit mon frère aussi, vraiment... | |
|