Fragment #25 - Réparer les torts (ou du moins essayer)

« Rozia III m'a demandé d'envoyer quelqu'un pour éliminer Mahogany.
- Et moi je te demande de ne pas le faire.
- Et tu es qui, ma pauvre Maya, pour espérer me voir t'obéir ?...
- Claire, on sait très bien que c'est toi qui a merdé dans cette affaire, et tu essayes de faire retomber tout ça sur moi, mais c'est TON problème, à la base.
- Je ne vois pas de quoi tu veux parler, Maya. Il me semble que c'était clair, pourtant. Éliminer Mahogany permettait de te sauver la mise pendant que tu fricotais je ne sais quoi avec ton frère. C'est toi qui a besoin de moi.
- Mon frère ?...
- Tu me croyais moins perspicace ? C'est ton problème, ma chérie. Pas le mien. »

Je me repasse la conversation en boucle, comme si elle défilait, en lignes translucides, sur le pare-brise de ma 206. Les mains crispées sur le volant, moites. Ma gorge sèche et pleine d'amertume. Je me dirige tant bien que mal jusque dans le 11ème arrondissement, où je retrouve la rue Oberkampf. Là, au numéro 7, vivent Julian et la soeur de Maël (je n'ai pas revu ce dernier depuis des semaines, ni même reçu la moindre nouvelle ; sans doute est-il trop occupé, peut-être a-t-il une petite amie : à vrai dire, je m'en moque éperdument). Je gare la voiture en trombe, me jette en dehors et vais jusqu'à la grille. Merde, je ne connais pas ce foutu code. Je suis venue jusqu'ici, sans réfléchir, et je n'ai pas pensé que quelques numéros m'arrêteraient. Quelle conne. Je secoue les barreaux bleu-verts, désespérée. Cette salope de Claire va envoyer quelqu'un ici, peut-être même est-ce déjà fait, et je n'ai aucun moyen de stopper cette folie. Je pose mon front en sueur contre un barreau, ferme les yeux. Le sang pulse dans mon crâne, me lacère l'esprit de mille et un aiguillons, chargé de culpabilité. Je revois Julian, en rage, dans la boutique, clamant qu'il ne comprenait pas mon jeu. Je le revois, vif, et je ne le reverrai probablement pas.

Quelques heures ont dû passer, lorsque j'attends quelqu'un me dire :
« Maya ? Qu'est-ce que tu fous là ?... »