Fragment #528 – Le front contre la pierre

Prisonnier, une fois encore. D'une chambre d'enfant sans enfant. Entre ces murs que je ne connais pas. De la pièce voisine, j'entends qu'ils parlent de moi, et ces murmures inaudibles altèrent mon esprit, excitant en moi d'excessives paranoïas. Alors je colle mon oreille contre la paroi, à l'affut du moindre mot, d'un infime morceau de phrase. Je pense à ces gens qui cherchent à me tuer, et je pense à Lola qui ne sait pas où je suis, à ma fille qui doit la regarder pleurer. Je sais qu'elle croit que j'ai fui une fois encore, que je ne suis qu'un lâche. Mais c'est faux. Je dois juste prendre ces foutus cachets qui m'attendent sur la table de chevet, ces foutus cachets qui sauront la faire taire et-
-et quoi ? Pourquoi me brider quand je suis la seule personne à pouvoir t'aider ? Qui se battra pour toi au moment où les assassins seront là, armes en main, prêts à te déchirer ? Qui luttera pour notre survie, jusqu'au dernier soupir ? Je ne crains ni la douleur ni la mort, je n'ai pas peur du sang. Et mes doigts arracheront leurs viscères écumantes et chaudes sans la moindre pitié. Je ferai taire en toi toute trace de compassion et d'humanité. Je serai une machine implacable, programmée pour nous sauvegarder. Tu dois te rendre à l'évidence, Julian. Je suis indispensable...

La ferme. La ferme ! LA FERME !
Je veux juste qu'elle ferme sa putain de gueule. Alors je me jette contre les murs, et je me cogne la tête, à en perdre la raison, je cogne et je frappe, en hurlant, de plus en plus vite, de plus en plus fort, front contre pierre, et une douleur sourde me remplit le crâne, et des larmes brulantes percent mes deux yeux.
Des cris. On entre dans la chambre. On cherche à m'arrêter. Impossible. Donnez-moi mes cachets. Donnez-moi mes putain de cachets.
« De quoi tu parles Julian ?! »
Maya crie, Lorenzo me regarde d'un air désemparé.
Je dois la tuer en moi.
Et je sais que je n'y survivrai pas.