Shedar
| Sujet: Fragment #40 - Louis d'or 11.04.08 12:48 | |
| Dimanche 23 décembre 2007 à Dijon Moi je ne le connaissais pas. Mais lui si. Peut-être à cause ou grâce à Michelle. Alors il m’a tout de suite reconnu, et souri. C’est le sourire de Michelle d’ailleurs. Elle m’avait aussi dit qu’on s’était déjà rencontré lorsque j’étais petit. Si petit qu’il est impossible que cet instant soit encore dans ma mémoire. Envolé le souvenir. Désintégré. Peut-être qu’elle fonctionne vraiment comme cela. Peut-être que la mémoire est radioactive, que les souvenirs se désintègrent plus ou moins spontanément selon de quoi ils sont faits. Ou selon la sincérité avec laquelle on les a capturés. La profondeur de sentiments dont on oublie la saveur. La valeur. Avec le temps. Ici le temps est plus qu’important. Parce que les clients ont soif. Louis est un homme faussement vieux dont on ne sait pas supposer l’âge. Un homme entre deux moitiés de vie. Un homme entre l’expérience et l’espoir. Entre les rêves et la mémoire. Il me fait visiter le Dionysos, la scène et les coulisses. C’est un artiste, Louis. Alors c’est d’accord, je ferai quelque chose à mes cheveux pour avoir la tête d’un garçon de café et je viendrai essuyer quelques verres après les cours. Ce ne sera pas du temps perdu. Et puis je dois au moins cela à Michelle. Dehors c’est le premier dimanche d’hiver. Les gens courent après les derniers cadeaux de Noël. Dans le bus, les plus vieilles parlent du temps. Normal. Plus on devient vieux, moins on dit de choses intéressantes, semble-t-il. Pour cela qu’ils ne semblent pas excessivement stressés par la fin de leurs vies. Le temps n’est pas un sujet dangereux, toute la ville est d’accord : il fait froid. Puis une vieille demande à l’autre si ses enfants viendront la voir pour les fêtes. Moi non plus je ne sais pas. Si j’irai là bas, ce jour si particulièrement particulier. Je suis arrivé à la clinique. Elle doit en entendre des discutions de vieilles et de vieux, Déborah, à la clinique. Ca fait longtemps aussi que je ne suis pas venu la voir. Parce que la dernière fois l’interne... Elle n’aura pas oublié. C’est impossible. Mais il faut que je lui dise pour Louis et le Dionysos. Par contre je ne lui parlerai pas du mensonge. Et comme elle non plus... | |
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