Altaïr
| Sujet: Fragment #89 - De la vie d'un steack 16.07.09 15:55 | |
| Lundi 6 juillet 2009 à Paris Le soleil embrase la fenêtre. C'est assez joli. Sauf que ce n'est pas du tout la fenêtre habituelle. Je ne reconnais ni la forme, ni l'emplacement des choses. Ni ce type qui ronfle à côté de moi. Merde. Encore une fois, j'ai fini chez un gars rencontré sur Gayrrier ou RezoG, j'ai baisé, je me suis endormi. Et là, au matin, nous nous réveillons pour aller bosser, nous nous comportons comme deux anciennes connaissances, en silence, et notre « salut, bonne journée » pourrait être une formule de politesse parmi tant d'autres à venir si nous n'avions pas la certitude justifiée que c'est bel et bien notre dernier échange. Je ne sais même pas comment il s'appelle, et à vrai dire, je m'en contrefous. Paris grouille de mecs comme lui, au physique avantageux, bien montés, pas très intéressants mais en possession d'un joli petit appartement sans charme à dix minutes à pied du marais, d'un boulot commun, idéal pour gagner sa vie sans jamais s'épanouir. Et moi, je prends le même chemin. Je suis assistant fleuriste et je suis mes horaires quotidiens, je suis le « gay de base » parisien, je n'ai ni attaches ni centres d'intérêts. Je pense m'inscrire dans une salle de musculation, je mate les mecs mignons et j'ignore les moches qui cherchent mon regard avec avidité, je méprise les plus de trente ans, sauf quand il n'y a rien d'autre à baiser, je pense de plus en plus à prendre mon trou en photo sous tous les angles pour compléter mes profils de cyber-chasseurs, je me suis acheté mon propre fond de teint pour les jours difficiles et de l'anti-cernes, je sors le soir et je dépense ma paye en alcool, je me déhanche comme une pute dans des boîtes de nuit branchées, je rentre accompagné et bourré, et je baise comme un porc dans un énième appartement inconnu, ou bien je rentre seul et je pleure, en total bad-trip, je hurle contre moi-même, je ne comprends pas ce que j'ai de moins que les autres, de moins que ce super beau latino que le blond musclé a préféré à moi alors que c'était MOI le plus mignon de la soirée et qu'il aurait dû ME choisir. Je prends de la drogue. Du poppers le plus souvent, de la cocaïne dans le pire des cas. Je grille ce qu'il me reste de cerveau et je préfère ne pas y penser. On dirait que les bonnes résolutions ne tiennent pas, elles se cassent la gueule en un rien de temps. Et la nuit ne s'arrête jamais. Je me connecte encore, je trouve le mec de quarante-cinq ans le plus immonde qui soit, mais dispo pour baiser NOW, et je traverse Paris en taxi, à pieds ou je ne sais pas comment, je parviens jusqu'à chez lui et je me fais tirer comme une chienne. Puis je rentre chez moi, dans ce chez moi qui n'est pas chez moi, et je chiale à l'intérieur de mon corps, sans larme, et je file sous la douche pour ôter de ma peau l'odeur de ce porc en me répétant, inlassablement : « À quoi bon ? À quoi bon ? À quoi bon ?! ». Mon Dieu, j'ai changé. Je regarde parfois dans le vide et je pense à Robin, et je prie pour qu'il me voie quand je me fais défoncer et je lui dis en secret : « Regarde ce que tu as fait de moi. » J'étais un bon garçon, à Dijon, je me protégeais de cet enfer où l'apparence est une monnaie d'échange, où l'on oublie les écrans qui se dressent entre les gens, où les phrases d'accroche se résument à des lettres et des chiffres masochistes : « t bf ? » « BM ch jh TTTBM pr SEX » « moi H 35 ans 180 75 20x6 »... J'en chialerais de désespoir, si j'avais encore des neurones. Mais mon crâne a cramé, je prends trop de saloperies. Le pire c'est que je le sais, mais je trouve ça marrant. Je suis comme les autres, après tout, et quand je baise, je ne pense plus à rien. Dieu que c'est bon de ne plus penser, d'être un steack à bouffer cru, en mode fast-food. Salut, enfile une capote et baise-moi. Oui, c'est immonde, oui, c'est à gerber. Moi aussi, je gerbe, parce que c'est toujours MOI, c'est toujours le même Lilian Mahogany, mais en différent, comme si le gentil garçon était mort et qu'il n'y avait pas de retour en arrière possible. Et puis, après tout, est-ce que je veux revenir en arrière ? Est-ce que je veux chouiner encore et fantasmer dans mon coin ? J'en ai ras le cul de geindre. J'en ai ras le cul tout court. Je suis un PEDE, un PEDE, vous entendez ?! Je suce et je me fais enculer, je suis une petite chienne en chaleur qui ne demande rien d'autre qu'à oublier son existence.
Et parfois, ça me passe. C'est juste une partie de moi qui a besoin de s'exprimer. Et puis je vois Maël, et je maudis le Ciel qui le rend si beau, si lointain. Maël est un Ange inaccessible et quand je le vois, je me sens insignifiant. Je crois que je l'aime et que jamais je n'aurais la chance d'être aimé de lui en retour. | |
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Tureïs
| Sujet: Re: Fragment #89 - De la vie d'un steack 16.07.09 23:52 | |
| Effectivement c'est à gerber lol | |
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Invité Invité
| Sujet: Re: Fragment #89 - De la vie d'un steack 26.08.09 21:50 | |
| Horriblement triste, horriblement réaliste... |
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| Sujet: Re: Fragment #89 - De la vie d'un steack | |
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