Fragment #16 - Courses scolaires

Maman et moi traînons des pieds entre les rayons fournitures du BHV. Je regarde une femme enceinte qui porte un masque sur la bouche, sans doute pour protéger son entourage des germes de H1N1, qu'elle a dû contracter. Il paraît que bientôt nous allons tous mourir, ou presque, contaminés par le fléau de la grippe porcine. Moi, je n'y crois pas vraiment. Je me dis que c'est un truc pour nous faire peur, et Ben pense que Sarkozy a créé le virus avec ses amis pour renflouer les caisses des grands groupes pharmaceutiques. Maman le trouve ridicule, d'autant qu'elle adore Sarkozy, et quand Ben commence à parler politique, elle lève toujours les yeux en l'air avant de s'enfouir derrière la couverture de Oops.
Je regarde les différents cahiers, les crayons, les stylos. Il me faut une nouvelle trousse, un nouveau cartable. Maman est sur les nerfs, parce qu'elle va devoir dépenser une fortune. Je déteste la voir gaspiller son argent à cause de moi, et je me promets de le lui rembourser plus tard, lorsque j'aurai un métier.
« Il te faut quoi d'autre ? elle demande, sèchement. 
- Je crois qu'on a tout pris. »
Je regarde avec envie les rollers de correction, les cahiers à spirale, les critériums. Dans le caddie, il n'y a que des trucs bons marchés, et c'est mieux comme ça. Moi, quand je serai grand, je travaillerai dur pour gagner beaucoup, beaucoup d'argent, et j'achèterai à mes enfants les fournitures les plus chères.
Soudain, je repense aux paroles de tante Nikki. J'imagine un bébé entre mes bras, mes bras de garçon de douze ans. Un bébé qui pleure et qui glisse entre mes mains, et tombe sur le sol dans un grand bruit d'os brisé. Je crispe les yeux, serre les dents violemment. Non, je veux pas penser à cela. Je ne veux plus jamais y penser.