Mercredi 7 octobre 2009
à Paris
10h16. Couché sur le dos entre ces murs blancs. Il me regarde droit dans les yeux, ajuste ses lunettes, et approche la scie. Je n'ai pas peur : il a une blouse blanche. La blouse blanche est un gage de sécurité. Elle est rassurante. Je n'ai pas peur. Bruit strident, regard au plafond. Le boulot est vite fait, bien fait. Mon pied vient de réapparaître.
« Je vous prescris huit séances de kiné, ça devrait être suffisant pour retrouver totalement l'usage de votre pied. En attendant je vous conseille de garder les béquilles si vous sentez que c'est douloureux. »
Il me rend ma carte vitale ; nous nous levons de nos chaise et je lui serre la main par-dessus le bureau où tant de dossiers sont empilés pèles-mêles.
Laura qui, exprès, a pris sa matinée pour m'accompagner attend toujours dans la salle d'attente. On peut, à travers la vitre, la voir complètement plongée dans un numéro de
Cosmo.
« C'est intéressant ? » demande-je en la surprenant. Elle lève la tête, avec dans ses yeux un regard semi-coupable qu'elle fait rapidement disparaître
« C'est celui du mois d'août, je l'avais déjà lu. » Dit-elle comme pour se justifier.
« Tu n'as pas mis longtemps.
- Non, ça a été vite fait. »
Nous sortons de l'hôpital, mes béquilles sous le bras : je ne suis pas handicapé.
J'aborde les escaliers, non sans la fierté de pouvoir les monter. Laura n'y fait guère attention, je ne m'en offusque pas tant je me réjouis de retrouver ma mobilité normale. Quasi-normale. Je vais pouvoir reprendre mes activités. Au diable Facebook et Téléfoot. Et je ne vous parle pas d'Auto-moto, Plus belle la vie, Les Experts, Tout le monde veut prendre sa place, Un dîner presque parfait, et autres abrutissements en tout genre. Je vais pouvoir ressortir tout seul, prendre le métro, faire du vélo, courir, profiter tout simplement. Je vais apprécier ne serais-ce que l'air pollué de Paris, ses trottoirs bondés, et les odeurs des transports en commun. Et puis je pourrai remonter dans un camion. Après ma rééducation bien sûr. Je me rends compte que ça ne m'a pas autant manqué que je l'aurai imaginé. J'estime ce repos forcé comme mérité. Ils me doivent quelque chose. Quoi ? Je ne sais pas moi. Je devrais ? Et bien je ne sais pas. C'est tout et c'est comme ça. Je le sens. J'ai l'impression qu'ils me doivent quelque chose. Ils me l'ont pris. La Brigade m'a pris quelque chose. Je sens aussi que je vais le récupérer. Le récupérer ? Quand ? Bientôt. Je sens que ça vient....