Fragment #119 - C'est ainsi

Je reste quelques mètres en arrière, mon appareil photo à la main, et regarde Laura avancer le nez en l'air. Il fait atrocement froid et humide ce matin. Il est presque dix heures et pourtant, il fait sombre comme au couché du jour.
« Bon, je vais poser mon sac et j'arrive. 
- Ok. »
Je la regarde par la fenêtre, traverser la voiture jusqu'à sa place. Elle revient à la porte du TGV après avoir repéré sa place. Même en restant sur le marchepied, elle a l'air encore toute petite. Je l'embrasse sur le front sans même avoir à lever les talons du sol.
« On se voit ce week end ?
- Oui. Par contre, je viens sur Paris ou tu remontes sur Lille ?
- Je sais pas encore. C'est comme tu veux.
- Bon, ben je te dirai quoi dans la semaine. Ok ? Je verrai si Ian a du boulot pour moi ce week end. »
Un coup de sifflet retenti un peu plus loin sur le quai. Suit la sonnerie de la fermeture des portes. J'ai à peine le temps de déposer un baiser sur les lèvres de Laura qui essaie de me dire quelque chose en même temps. La porte se ferme brutalement. Je pose ma main sur la vitre de la porte. Le train démarre.

Je jette les clés de l'appart sur le plan de travail de la cuisine. J'allume l'ordi et envoie un mail à Ian.

Bonjour Ian.
Comment ça va ? Tu as bien reçu mon dossier de la semaine dernière ? Je pense que je vais continuer à bosser à la maison cette semaine. Si tu pouvais m'envoyer le boulot sur ma boîte mail.
Merci.
Bisous à la famille.

Damien.

Je continue à flâner un peu sur le net, lisant des critiques de matériels photos, guettant les sorties d'albums de mes groupes favoris. Je passe vite fait par la cuisine et me sers un jus de fruit, avant de me poster à l'entrée de la chambre de Claire. Je pousse la porte.
L'armoire est ouverte sur des étagères vides, le lit est fermé, impeccablement fait. Les murs portent les stigmates des photos collées à la patafix. A part ces traces sur le mur, on pourrait jurer que la chambre n'a jamais été utilisée. En mettant Claire dehors, j'ai vidé les lieux de sa joie de vivre, de son odeur, de ses couleurs. Mais c'est ainsi.