Lundi 1er février 2010
à Talant
11h04. Ce bâtiment est clair et agréable, surtout grâce aux baies vitrées qui constituent la façade. Il y fait bien plus chaud que dehors – maudit froid, maudite neige - ; de plus je suis assis confortablement. A l’accueil de la mairie une secrétaire tape rapidement sur son ordinateur. Elle ne regarde pas le clavier. J’ai toujours trouvé ça extraordinaire. En soi ce ne l’est pas autant que de jouer du piano. On finit par connaître l’emplacement des touches, et on peut même se corriger après une faute de frappe, ce qui n’est pas le cas du piano qui ne pardonne pas, en lançant tout à coup un son disgracieux venant démonter en un instant toute la mélodie.
« Monsieur Firent.
- C’est moi, » dis-je en me levant.
« Pour un passeport, c’est ça ?
- C’est exact.
- Suivez-moi dans mon bureau.»
Je suis venu ici il y a trois semaines. Je pensais que ça aurait été plus long que ça. J’ai reçu un SMS vendredi après midi pour me signaler que mon passeport était arrivé à ma mairie et que je pouvais prendre rendez-vous pour aller le chercher. Ce n’est pas exactement ma mairie, mais celle ne Plombières n’étant pas dotée des nouvelles machines pour les passeports électronique, j’ai été redirigé vers la mairie de rattachement.
Dans ce bureau il y a une photo de notre petit président, dans un cadre juste face à la chaise que j’occupe en ce moment. Les murs sont blancs et la fenêtre donne sur un arbre squelettique. Au milieu de la pièce, sur le bureau qui me fait face, trône une sorte de bras articulé au bout duquel un appareil photo. Sous le premier appareil, un autre offre une surface vitrée qui est utilisé pour la détection des empreintes digitales. Je dois reposer mes doigts dessus. La demoiselle qui m’a accueilli m’explique, -comme si je ne risquais pas de le comprendre moi-même -, qu’ainsi elle vérifie que les empreintes enregistrées dans la puce électronique du passeport sont bien les miennes.
Je remarque en enlevant mes doigts de l’appareil qu’il marque facilement et que j’y ai laissé des traces. Je récupère mon passeport, signe un papier pour dire que je suis venu le chercher, et je peux enfin sortir.
Dehors, je fais des traces dans la neige pour retourner jusqu’à ma voiture. J’aime bien la neige. Elle enregistre tout ce qui se passe dans une journée. Jusqu’à ce que, pleine, elle devienne un tableau illisible.
Je regarde mon passeport, je le serre entre mes deux mains comme si c’était lui qui allait m’apporter la chaleur revigorante dont j’ai envie. Je le remets dans ma poche. Il ne m’offre pas la chaleur, mais m’ouvre les portes de celle-ci. Je vais pouvoir partir bientôt.