Fragment #2 - E&E

7h. Réveil difficile…. Je faisais un fantastique rêve sur le cocc’ rallye, ou du moins, encore un fantasme sur une rencontre que j’ai faites là bas… Oui, donc en gros, nuit très sympa grâce à ce rêve mais retour à la réalité beaucoup plus difficile. Et oui, si fantasme il y a, déception dans sa vie il y a aussi…
Je me traîne comme une loque à la douche. Ma sœur, Hanna, est déjà en train de déjeuner. Je ne supporte pas qu’on me parle le matin, au réveil. Et elle qui n’arrête pas… Je l’entends, je la vois mais à cause de ma léthargie, je ne réussis qu’à avoir une image sur trois et une syllabe sur six… Mais comme d’habitude je la laisse parler, de toute manière à part sa personne peut de chose l’intéresse et surtout pas mon avis sur telle ou telle chose ! Ah, l’amour fraternel… Heureusement que mon autre sœur est là : Isabelle. Elle est beaucoup plus douce et maternelle, c’est un ange. Malheureusement, je ne vis pas avec elle mais avec l’Ennui…

L’eau sur ma peau est comme une cure de jouvence ! J’ai l’impression de changer de corps et, c’est encore mieux quand on est deux (on peut guère tenir à plus, elle est petite, la douche) ! Mais penser à ça aujourd’hui ne me plais pas tellement…

30 minutes plus tard, je sors et pars en direction des Beaux Arts. Je passe devant la concierge, surveillant les moindres faits et gestes de chacun. A croire qu’aucune d’entre elles n’est sympathique ! Une fois encore, je marche sur des œufs mais rien n’échappe à cette mégère : c’est un peu les SS chez les Desperate Housewives mais en moins violent.

A l’école on continue de bosser sur le « je profond ». Un prof reste là pour nous aider, nous conseiller mais ne sert pas à grand-chose. Je voulais y travailler hier mais mon esprit était ailleurs, je ne suis arrivé à rien d’intéressant. Dommage ! Je jette de temps en temps un coup d’œil autour de moi et misère ! Mathieu, à 10m de moi, sur sa table, très intelligent et artistique – c’est le meilleur d’entre nous- ne me lâche pas du regard, un fusain à la bouche, faisant, de manière très éloquente, un mouvement de va et vient… Vision répugnante…Qui a dit que les Beaux Arts étaient un monde de gay ? Il est certes mignon mais trop préoccupé par moi… Et dire qu’à l’instant présent, je lui sers de modèle, contre mon gré… Je détourne le regard, je vois Juliette, en face de moi, ma meilleure amie –tous les autres ici vivent à 300 années lumières de notre galaxie- mais on rigole bien ! La seule chose qui la rattache à notre société ? Le sexe… Sans vouloir dire qu’elle fasse partie du club très sélect des nymphomanes, elle semble très intriguée par le mélange des émotions et des attitudes que l’on peut éprouver peu de temps avant et après l’acte. Elle y réfléchit beaucoup et l’interprète, à sa manière, via l’art. Dernièrement elle est allée acheter 50 capotes qu’elle a gonflées et remplies de couleurs différentes. Elle les a disposées sur une toile murale blanche –la pureté et la virginité- de manière à former une goutte d’eau. Puis, elle a mis à disposition des autres élèves des fléchettes. Le but ? Accompagner l’acte pénétrant des fléchettes sur les capotes, libérant la vie –la peinture- et à la fois accomplissant un acte destructeur –l’hymen-. Par la même occasion, la toile s’est colorée, symbolisant la saleté d’un dépucelage féminin. Mais derrière toutes ces symboliques s’en cachaient d’autres, beaucoup plus profondes et contemporaines : les capotes – le VIH destructeur en Afrique, la peinture – les sècheresses à travers le monde. A l'issus de cette partie de fléchette improvisée, une marre de couleur s’est étalé à nos pieds, recouvrant entièrement notre salle d’exposition et entachant même les projets des autres : la mort…
J’en parle comme ça, mais personne ne peut se rendre compte avec des mots, il faut voir, sentir, entendre et ressentir, non pas ce pour quoi la société nous a formatés mais plus pour s’affirmer en tant que être différent. Se sentir transpercé, pénétré par l’art et vivre avec. C’est mon oxygène et mon plat quotidien.

Notre tableau préféré avec Juliette ? La Naissance du Monde de Courbet…
Malgré toutes les occasions de dériver sur ce sujet et de rigoler toute la journée, Juliette et moi avons été très productifs. Nous avons travaillé sur le « je profond » et, une fois n’est pas coutume, Juliette travaillait sur la Naissance de Vénus. Je ne sais pas comment elle intégrera le thème que nous avons choisi, individuellement cette année, dans son projet (pour la petite histoire, c’est un thème qu’on doit retrouver dans chacun de nos projets). Elle a choisit la sexualité. Oui, bon, je veux bien l’admettre, la Naissance de Vénus et la sexualité s’accordent bien ensemble mais il faut dépasser la représentation de cette divinité et lui trouver un nouveau sens ! Moi je me suis orienté sur le monde végétal. La nature me suit partout ! Et Mathieu ? Comble du malheur, je suis son thème… Juliette ne manque jamais une occasion de me le rappeler ! On en rigole mais le pauvre quand même…
J’ai passé ma journée à travailler la pastelle sèche. J’adore ce matériau. Un coup de pastel sur une feuille et vous avez une couleur, pleine d’imperfection mais tellement vive, qui ne demande qu’à se faire accompagner. D’ailleurs, si on n’y prend pas garde, l’imperfection va s’étaler et un souffle suffira à l’imprégner sur toute une surface !
Au cours de ma recherche de cette imperfection, j’ai été dérangé par un sms :