Fragment #149 - Mais quel connard !

Déjà dans l'ascenseur. Je la sens qui monte. Inexorablement. Elle me noue les entrailles et obsède mon esprit : la tension.
Je sais qu'il va être là, assis dans le canapé. Avachi plutôt. Quelques bières sur la table et une manette de Wii dans la main. La vaisselle du matin, accompagnée de celle du midi, m'attendra sur la table de la cuisine. Dans la salle de bain, son slip trainera au sol à moitié recouvert par sa serviette encore humide.
Une semaine.
Une semaine à le subir, à le croiser, à l'écouter déblatérer les même conneries qu'il y a deux ans. Une semaine à supporter cet australopithèque, à ne pas savoir comment m'en débarrasser.

Les portes de l'ascenseur s'ouvre, je pose mon sac de cours et jette un coup d'œil au salon.
Personne. Tout est rangé.
La cuisine est propre, tout comme la salle de bain.

Il est parti ?
Quel connard ! Il aurait pu me prévenir. C'est pas l'hôtel, merde.

Non. Dans le bureau qu'il squatte, l'odeur de tabac froid flotte encore tandis que son sac accouche difficilement d'une tonne de linge sale.

Encore parti monter un coup pourri je présume.

Mon Iphone vibre.
C'est lui.
Je décroche ? Je décroche pas ? Je décroche ?
Non. Bon débarras.

« - Allo ?
- Coucou frérot ! Ça va ? Pas trop dur les cours ?
- Non. Qu'est-ce que tu veux encore ?
- Rien ! Pourquoi t'es désagréable comme ça avec moi ? T'as pas vu que j'avais fait le ménage ?
- Ouais, en passant ça existe les laves linges...
- T'es chiant. Bon, je sais pas pourquoi je te propose, mais si ça te dis je suis au Vrai Paris, si tu veux me rejoindre. J'te paye l'apéro et le resto !
- Ouais, non je suis fatigué. On se voit toute à l'heure.
- Allez ! Merde descend ! Tu me saoules avec tes humeurs de pédale ! Je m'en tapes que tu sois pédé et que t'aies rompu avec Nicolas. Ramène tes fesses et plus vite que ça !
- Comment tu sais ça ?
- Viens et tu sauras.
- Tu m'emmerdes. »

J'y vais ? J'y vais pas.
J'enfile ma veste et remonte dans l'ascenseur.

Mais quel connard !