Lundi 28 mars 2010
à Kouandé
10h15. Manu est dans le trou, au frais. Qu’est ce qu’il a de la chance. Je l’envie vraiment. Ici la sueur perle sur mon front, sous mes aisselles, entre mes cuisses, etc. Ce doit être la journée la plus cuisante que j’ai jamais vécue de toute ma vie. Même dans les gros feux je n’avais pas aussi chaud. Je me liquéfie sur place. J’ai du mal à porter ces seaux. Manu nous les rempli au maximum. Selon lui, on fera moins d’allers-retours comme ça. Je vois bien qu’Eva peine. Elle porte son seau comme on porte un enfant ; contre son ventre. Elle vient face à moi. La terre dans les bras, la poussière dans les pieds, elle trébuche sur un caillou et manque de tomber. Elle se rattrape, fière. Je fais semblant de ne pas l’avoir vu. Je souris en la croisant. Ce sont les seuls mots que l’on échange quasiment, du temps où l’on travaille : quelques sourires.
J’arrive au bout du village, je tourne à droite. Il y a déjà un monticule de plus de deux mètres de haut. Il y a une petite échelle en bois posée sur la terre. Je monte les échelons et vide successivement mes deux seaux. Je redescends, et repart dans l’autre sens. Je me sens étrangement léger. Débarrassé.
Je croise Zambo à l’endroit où j’avais déjà croisé Eva quand j’allais dans l’autre sens. C’est ainsi tous les jours. Deux jours sur trois en fait. Eva ne peux pas creuser. Elle a assez de force pour porter les seaux, mais la terre est bien trop dure pour qu’elle donne des coups de pelle dedans pendant quatre heures de temps. Nous creusons chacun notre tour ; il n’y a qu4va que l’on envoie plus au fond du trou. C’est fatiguant de porter les seaux, mais c’est encore bien plus pénible de creuser. Surtout que dans le trou il fait plus frais, mais il n’y a pas de vent et on a l’impression qu’il n’y a pas assez d’air. Aujourd’hui ça ne change rien, même dehors il n’y a pas de vent. Pas un brin d’air.
Zambo regarde droit devant, comme s’il voulait lancer son menton en avant, comme si sa force en dépendait.
J’arrive au trou quand Eva en ressort. Je l’aide à remonter, et j’ai une vue plongeante dans son débardeur. Elle ne porte toujours pas de soutien-gorge. Des perles transparentes descendent le long de sa poitrine, sur le haut de ses seins, viennent humidifier un peu plus encore son débardeur. Je détourne les yeux, au moment où elle lève la tête. Je ne veux pas qu’elle voit que je la regarde.
Je descends l’échelle à mon tour. Je pose mes deux seaux au fond. Il y en a déjà un de rempli, je le monte en haut, et je redescends chercher le deuxième.
« C’est bon ça Manu, ça avance !
- Oui mon ami. Je creuse fort. »
Je trouve qu’on fait du bon boulot. Bertrand va être content ; les habitants du village aussi.