Fragment #10 - Famille torturée, Amour redouté

- Allô, Elliot ?
- Salut Gabriel, ça va ?
- Ouais. Enfin, ça pourrait aller mieux. Et toi ?
- Moi ça va merci. Je suis à Besançon là. Qu’est ce qui t’arrive ?
- Hanna m’a foutu à la porte hier, enfin, indirectement. Mes affaires étaient emballées quand je suis rentré le soir.
- Aïe. J’espère que c’est pas à cause de moi. Mais tu es où là ?

- Non rassure toi ! Je mets ça sur le compte de notre incompatibilité caractérielle. Sinon, je n’ai pas de nouvelles de mes parents, je ne sais pas comment ils l’ont pris. Je suis chez Isabelle là. Elle me loge le temps que je trouve un appartement. Excuse moi de pas t’avoir appelé hier soir, mais je n’ai pas eu le temps avec ce qu’il m’est arrivé.
- Pas grave. J’espère que tu trouveras ton bonheur, même si t’as situation doit pas être évidente. Tiens-moi au courant pour tes parents, je m’inquiète aussi de leurs réactions. On se voit ce weekend ?
- Oui. Je te rappelle pour savoir comment on s’arrange ce weekend, t’inquiète pas. Je te laisse, je suis en train de m’installer là et Isabelle m’aide. Bisous.
- Je t’aime.

Le commencement de la fin. Ces mots dans la bouche d’Elliott me font froid dans le dos. Je n’avais pas peur de ses sentiments quand c’était un ami mais maintenant que c’est mon copain, me voilà avec la chair de poule. Et dire que ça fait seulement deux jours. Mon dieu, faites qu’il se calme.
Je finis de ranger mes affaires chez Isabelle. Son appartement est petit mais on tiendra bien à deux. L’essentiel, c’est que ce soit provisoire. Ce qui m’embête le plus ce sont les trajets que je vais avoir à faire pour aller à l’école. Elle habite à Jujurieux, à côté d’Ambérieux-en-Bugey. L’avantage de ce patelin : la nature, le calme et les petits châteaux un peu partout, aux abords des chemins.
Je profite du moment pour lui parler des parents et avoir sa version des faits, après mon départ du repas, dimanche dernier.
- Hanna m’a dit que les parents avaient mal pris mon annonce dimanche. C’est vrai ? Ils ont réagi comment ?
- Tout d’abord, sache qu’il ne faut jamais écouter ce que dit cette mégère. Ensuite, il faut toujours relativiser. On va dire que ce qu’elle a dit est en partie vrai. Papa l’a mal pris. En même temps, tu n’as pas pris des gants.
- Oui je sais, mais Hanna m’avait tellement énervé.
- J’ai vu, t’inquiète pas. On en a parlé avec les parents. Ils sont d’accord sur le fait que ta réaction était justifiée. Il ne fallait pas t’écraser devant Hanna. Mais de là à dire ça, tu as fait fort ! Papa n’a pas vraiment parlé de ce qu’il ressentait, mais au regard qu’il affichait, je doute que cela le rendre très gai !

- Non petit frère. Te bile pas avec ça. Papa va s’en remettre, tu es son fils quand même et tu es son seul garçon.
- Oui, c’est bien ça le problème.
- Non ! Il aura du mal au début, c’est normal. Le jour où tu ramèneras un garçon, ça risque d’être tendu, mais bon. Il faut passer le cap ! Maman l’a bien pris aussi. Elle m’a dit que tu étais son fils et qu’elle t’aimera comme tu es alors te fais pas de sang d’encre !
-Et toi ? Comment tu le prends ?
- Moi ? T’en fais pas pour ça ! Je suis toute contente d’avoir une folle à la maison ! Au moins je pourrais causer de tout et de rien avec toi, pas comme avec Hanna ! Tu sais, des trucs de filles, des garçons, des sentiments, et de pleins d’autres choses ! Bizarrement, je suis plus heureuse de te savoir gay qu’hétéro. Mais l’essentiel c’est que toi, tu sois heureux ! Au fait, tu as un copain ?
- Oui, Elliott.
- Oua ! En plus, il est vachement mignon, t’en as de la chance. Tout au fond de moi, j’ai toujours su que ton amitié avec Victor et Elliott cachait autre chose. Profite bien petit frère.

Ces quelques mots me rassurent au plus haut point. Isabelle a vraiment le don pour rassurer. Elle dégage une présence très maternelle et protectionniste. Je suis fier d’être son frère. Je la prends dans mes bras pour la remercier de tout ce qu’elle fait pour moi et elle m’offre un large sourire en retour.