Fragment #22 - les désirs de la Lune

Je suis dans le désert marocain. Il fait nuit. Le décor ressemble au bivouac de Timerzif. La sortie du désert est proche. Je suis isolé par rapport au campement. Je me demande bien ce que je fais là.
Je peux distinguer, au loin, la lumière dégagée par le « camion – briefing ». L’endroit où tous les soirs, au Cocc’-Trophy, on allait récupérer des informations pour le lendemain. A cet endroit, pendant dix à vingt minutes, près de deux milles étudiants se regroupaient pour écouter les conseils des organisateurs, sur notre manière de conduire en prévision du lendemain.

Justement, demain, c’est l’étape marathon. La dernière étape du désert. Deux jours dans le Grand Sud, en totale liberté. Pas de bivouac. Chaque équipage se débrouille mais tout le monde doit arriver deux jours plus tard à Marrakech, sans rouler de nuit. A environ six cents kilomètres d’ici, dont cent cinquante dans l’enfer des cailloux, et avec comme seul aide, le road book. Ca va être deux jours intenses.
Je pense à cette journée, assez inquiet quand je vois une silhouette bouger. Je suis seul, en plein milieu de dunes, sous une Lune splendide et quelqu’un s’approche de moi. Je n’ai même pas le réflexe de reculer. Je n’ai pas peur.
Je distingue, à la main de cette personne, un rouleau de papier toilette. L’éternelle pause caca dans le désert. Quelqu’un me contourne et s’isole.

Rassuré, je me retourne et tombe nez à nez avec Mickaël. Il me sourit et me brandit une bouteille de martini, ainsi que deux verres. A croire que sa coccinelle n’était pas assez chargée.
On marche un moment, on s’éloigne pour trouver un coin sympa pour boire tranquille. Derrière une dune, à l’abri des regards. La Lune reste cependant, le seul témoin de notre apéro égoïste.
On parle de tout et de rien. Allongés sur le dos, on regarde la lune et ce ciel étoilé. C’est magnifique.
Je tiens mal l’alcool et c’est avec quelques difficultés que je lui indique quelques constellations. Je m’y connais un peu. On distingue très bien la Grande Ours, le Gémeaux ou encore le Petit Chien, avec Procyon, l’étoile la plus brillante de cette constellation.
Dans l’Egypte antique, Syrius, la plus brillante étoile du Grand Chien représentait Osiris, le dieu des morts. A côté d’elle, Procyon, dans le Petit Chien, représentait Isis, sa femme, la déesse de la vie.
Mickaël a l’air d’être très intéressé. Mais nous changeons vite de sujet.

Au moment où nous décidons de repartir pour le campement, je fais part à Mickaël de mon obsession pour la beauté du corps masculin. Elle s’est réveillée lorsque j’ai fais la connaissance d’un ami à mes parents, dont j’ai perdu le contact. Cet ami lui ressemble beaucoup.

A cet instant, Mickaël se fige. Je ne sais pas si c’est l’alcool où si c’est ce que je viens de lui dire. Il me demande d’approcher, je fais quelque pas. Il me prend la main, me tire à lui, et m’embrasse. Notre premier baiser, fort à en redonner vie aux morts. La lune, nous inonde de ses obscurs rayons et reste, encore une fois, notre seul témoin. Elle nous sourit.
Nous sommes bien, là, l’un contre l’autre, en plein désert.
Arrivés au campement, nous nous endormons, enlacés l’un à l’autre.

Je me réveille d’un seul coup. Un bruit de klaxon. Oui, je suis bien à Lyon. Il est onze heures du matin, nous sommes dimanche 12 avril, et je viens de rêver la rencontre que j’aurais voulu avoir avec Mickaël.