Fragment #152 - S'étourdir pour oublier

Mon âme a milles éons. Forgée dans les flammes de l'enfer, elle dérive sur la danse des étoiles au rythme du cosmos. Les portes en sont verrouillées par un alliage plus fort que l'acier qui a pour nom volonté. Ses yeux de glace ne délivrent qu'une infime partie des méandres de l'esprit qui l'habite et erre dans un désert nommé solitude.
Toi qui danse autour de moi, qu'espères-tu ?
Ne sais-tu pas que ces portes ne s'ouvrent qu'une seule fois. Qu'elles ne se sont ouvertes qu'une unique fois ?
Ignores-tu que la trahison se paye par l'expulsion. Que plus jamais tu ne seras invité à en savourer les subtilités. Condamné comme la plupart à attendre sur le seuil ce qui jamais ne viendra, ce qui jamais ne se reproduira ?
Tu danses encore ? As tu l'espoir d'y pénétrer ?
Non. Comme la plupart de tes semblables ce n'est pas ce qui te meus. Tu cherches un reflet, un miroir qui te diras que tu es désirable, différent, unique... Le temps d'un pas de danse. Ou deux.

Alors on se laisse étourdir. Pour oublier. On se laisse entrainer, sans jamais vraiment céder. C'est comme être au bord d'une piscine, les pieds dans l'eau mais le corps au sec tandis que les autres se baignent. Pourquoi ? Pourquoi ne peut-on se glisser avec les autres dans cette eau si limpide et attrayante, pour partager, tout simplement partager ?
Alors, on s'agite et on oublie. On fait croire. On donne l'illusion aux autres de s'amuser et d'être également plongé dans ces eaux de la vie.
Mensonge.
On devient doué, petit à petit, sans s'en rendre compte. On pourrait presque croire en faire partie. Presque.
Car notre peau n'est pas mouillée, car on a pas besoin de se sécher.

La lumière pulse. Les os vibrent. Les tympans résonnent tandis que les stroboscopes s'agitent. Les corps se déchainent et forment une masse confuse.

Les effets diminuent. La drogue se dilue. Fin de ma divinité.
Il est temps de rentrer, de quitter cette boite de nuit remplie de dépravés et de se coucher.