Altaïr
| Sujet: Fragment #554 - Décrépitude 07.07.10 17:17 | |
| Mercredi 7 juillet 2010 à Paris La paresse est une chose étrange. Elle me maintient à l'écart de ce dossier Open Office que j'ai enregistré dans mon disque dur depuis des mois, et que je complète rarement, par petites touches, et qui porte le nom de memoire.odt. Mon sujet ne m'intéresse pas. Je l'ai choisi pour épater la galerie, en attaquant un territoire de la pensée que je ne maitrise pas, dans l'espoir que l'on dirait de moi « oh, ce qu'il est brillant, c'est le plus brillant de tous, nous n'en avons pas deux comme lui dans sa promotion, et à vrai dire, il n'y a pas eu de tel étudiant depuis des années : c'est un génie ». Je voudrais que les regards des autres me surélèvent sur un piédestal, être considéré comme une créature supérieure, qui impose le respect et l'envie. La créature supérieure, cependant, aime passer son temps sur Internet, elle vagabonde entre les sites et les blogs, elle se drogue avec des séries télé et télécharge des films qu'elle ne regarde pas, elle entame des livres sans jamais les finir, elle voudrait écrire mais elle n'y arrive pas. La créature supérieure a passé des mois à stagner, à se complaire dans une immobilité quasi totale. Elle a peine à croire qu'elle a tant changé, elle qui travaillait avec ferveur trois ans auparavant, dans un bar de province, elle dont l'esprit remuait le ciel et la terre, fouillait les méandres de l'infini et plongeait jusqu'aux atomes, jusqu'à l'essence même de son moi, analysant, inspectant, disséquant tout ce qui venait à portée de son regard affuté. Elle écrivait, sous l'impulsion d'une confiance candide en ses propres capacités, elle avait une énergie folle, elle ne pensait pas encore « à quoi bon ». Elle a fini par se considérer médiocre, et la voilà qui s'enlise dans sa propre mollesse, incapable de produire la moindre étincelle. Cette créature a mes yeux, je les ai vus dans le miroir de notre salle de bain. Elle aime à se regarder, par habitude, sans plus ressentir la moindre curiosité. On me disait « tes yeux me brûlent, ne me regarde pas comme ça ». Je ne faisais pas exprès, c'était l'acuité de mes prunelles, deux âtres couleur d'acajou, flambant de feu et de glace. Où sont passés les rayons noirs de mon charme, la densité de mon regard, le flux de mon intelligence ? Jamais je n'ai ressenti pareille décrépitude, car même dans les temps les plus sombres, lorsque je me dégoutais de moi-même, j'affrontais des colosses intérieurs, des vertiges plus grands que mon âme, bien qu'engendrés par elle en son sein. Je m'entraîne à resserrer dans mes yeux les orages noirs qui s'y concentraient. Les pixels endorment mon esprits, ils dansent et clignotent et me font oublier ma vie.
Un message de Lola. Quelques signes de glace. Des mots dépourvus de haine et d'amour.
Je voudrais faire crever mes regrets.
Dernière édition par Altaïr le 07.07.10 19:44, édité 1 fois | |
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Procyon
| Sujet: Re: Fragment #554 - Décrépitude 07.07.10 19:34 | |
| La paresse de Julian, c'est un peu la notre en ce moment. Argh !! De temps en temps je pense à alex, mais je manque de motivation... | |
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