Fragment #6 - Actes et conséquences

Mon bras est ankylosé. Je le sens à peine et j’ai du mal à le remettre en route. En lui se propage une armée de fourmis qui piétinent mes muscles et les font se contracter de douleurs. Je m’appuie dessus pour me relever et me préparer à sortir du lit. J’ai l’esprit embrumé et dans ma bouche s’étale une drôle de pâte à l’arrière goût de vodka et champagne. Je m’assois sur le bord du lit et pars à la recherche de mon réveil pour me situer dans le temps. Je ne le trouve pas. Et je ne trouve pas mon chevet d’ailleurs. Et que fait cette fenêtre du côté gauche de la chambre ? Mon lit a changé de place tout seul. Petite panique lorsque je remarque que mes draps ont changé de couleurs. Ceux sur lesquels je suis assis sont d’un blanc éclatant tandis qu’hier matin ils étaient bleu marine. Ma chambre prend-elle vie sans mon accord ? Dans ma tête j’essaie d’ordonner toutes les informations qui me parviennent. Les draps différents, le chevet et le réveil absents, la fenêtre qui n’est pas à sa place…et les murs avec une tapisserie à motif florale. Traitement d’informations enclenché. Mon cœur bondit dans ma poitrine. Je sors de ce lit qui n’est pas le mien en toute hâte. Ici n’est pas ma chambre. Je ne suis pas chez moi. Est-ce là une mauvaise blague ? Ou alors un coup de mon esprit ? Il n’y a personne d’autre dans la chambre hormis moi. Mais en examinant le lit et les oreillers, il y a les traces de deux êtres. Que s’est-il passé ? Je ne connais pas cet appartement. Je fouille du regard la pièce. Aucun indice, aucun vêtement ou objet ne m’oriente sur une quelconque piste. Je sens dans ma gorge une boule se former et une angoisse enfantine naître en moi. Mes muscles se contractent et mes intestins aussi. Mon cœur se serre. Maman. Ma frayeur m’interdit tout raisonnement pendant un court instant. Me ressaisir et être logique. Je tourne enfin la tête vers la fenêtre. Regarde ce qu’il y a dehors et vois si tu peux te repérer. Je reconnais tout de suite la rue. Rue Nicolas Leblanc. Mes yeux cherchent la porte qui est en fait juste sous mon nez. Je sors de la chambre. J’ouvre la chambre sur la pièce principale d’un appartement décoré de vêtements de filles, de livres, de classeurs et de restant de repas à droite à gauche. Il y a un petit coin cuisine. Et je découvre Agnés en train de préparer un bol de céréales. Elle se retourne vers moi, un grand sourire aux lèvres.
« Tu as bien dormi ?
- Qu’est ce que je fais ici ? »
C’est la seule chose que j’arrive à lui dire. Je ne comprends pas. J’essaie de penser à la veille. Je suis rentré à l’appart’, j’ai travaillé un peu sur mes photos et j’ai pas mal ruminé des vieux souvenirs. Puis au soir, je suis parti seul faire un tour en ville. Boire un verre. Seul.
« Que s’est-il passé ? J’étais seul hier soir. Pourquoi je suis ici ?
- Ecoute Damien. Hier soir je t’ai rencontré par hasard. Tu avais l’air mal et tu avais beaucoup bu quand je t’ai vu. Tout est allé très vite et voilà. On est rentré à l’appartement et… »
Je n’écoute plus ce qu’elle me dit. Je ramasse ma veste, ma chemise et mes chaussures et je m’en vais en direction de ce que je pense être la sortie. Je claque la porte violemment. Agnés pleure et je l’entends m’appeler à travers la porte me suppliant de l’écouter. Je ne le fais pas. Je me précipite dans les escaliers et arrivé dehors je me mets à courir. Je dois m’enfuir. Loin. Qu’ai-je fait ? Comment j’ai pu faire ça ? On est rentré à l’appartement et… Agnés n’a pas fini sa phrase mais j’en ai déjà trop entendu. Comment ai-je pu faire ça mon Dieu ? Je cours vite. Vite et loin de moi.