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 Fragment #8 - Rêve toujours

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2 participants
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Sargas

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Fragment #8 - Rêve toujours Empty
MessageSujet: Fragment #8 - Rêve toujours   Fragment #8 - Rêve toujours Empty11.04.08 21:15

Samedi 14 avril 2007
à Lille

Je m’ennuie. Assis derrière mon bureau à taper des articles et à classer des photographies pour le journal. Je ne cesse de penser à ce que j’ai vraiment envie de faire, de la photographie. Pas du classement. Le collègue au bureau en face de moi à un débit de paroles plus fort que fort que le débit d’un torrent en pleine crue. J’essaie de ne pas me noyer dans cette vague incessante de paroles vaines en m’accrochant à la maigre branche qu’est ma tâche professionnelle actuelle. J’attends avec impatience mon rendez vous de dix heures avec Jean-Charles, le photographe en chef de l’agence. Peut-être enfin un renouveau de mon activité. Je ne l’ai pas encore rencontré depuis que je travaille ici mais de ce que j’ai entendu parler c’est quelqu’un de passionné par son métier et aussi très spécial. Je n’ai jamais trop aimé que l’on dise de quelqu’un qu’il est spécial. Le catalogage systématique de qui n’est pas dans le moule, de qui n’est pas revêtu du dernier style à la mode, de qui n’est pas allé encore en vacances à la dernière destination de rêve, de qui ne pense pas comme tout le monde. J’attends sagement que le temps passe, guettant d’un œil la petite horloge de l’écran. Dix heures. Un homme d’une quarantaine d’année sort de l’ascenseur, cigare à la bouche et planches contacts sous le bras. Il porte une grande veste qui semble faite de plusieurs pièces, les manches sont comme recouvertes de peintures de différentes couleurs, le dos est en cuir et le devant en jean… certainement faite sur mesure. Il est impeccablement rasé et embaume son entourage direct de son parfum. Ses cheveux noirs coiffés genre garçon de bonne famille et ses petites lunettes remontées sur le front lui confèrent un air pédant qui me chagrine. La secrétaire arrive tout de suite à sa hauteur, dos courbé et regard qui admire les chaussures, signes abjects de total soumission qui complètent l’image négative qu’hélas je me surprends à faire. Je le vois agiter les planches contacts sous le nez de la secrétaire qui semble s’être peint les joues en rouge sous l’afflux de sang qui lui vient au visage. Les gestes de celui que je devine être Jean-Charles sont ceux d’un dictateur en train de donner ses ordres. Il approche à grand pas du coin où plusieurs de mes collègues et moi travaillons. Tous plongent soudainement le nez dans l’écran et le clavier de leur ordinateur.
« Qui est Damien ici ? sa voix grasse de fumeur prononce ces mots sur un ton des plus dédaigneux.
- C’est moi Monsieur. Je suis Damien… je commence mais je suis aussitôt coupé par l’homme qui me fait face.
- Je ne t’ai pas demandé de te présenter. Oui suffit. »
Une boule se forme dans mon estomac. Ce Jean-Charles ne semble pas spécial, mais très condescendant. Je me lève pour le suivre dans les allées qui courent entre chaque bureau et le suis dans l’ascenseur par lequel il était arrivé. Je le vois enfoncer le bouton du cinquième étage, l’étage des studios et du labo. Je n’y suis allé qu’une seule fois et n’ai pas du aller plus loin que le palier pour remettre un appareil à un photographe. Je le suis encore dans le dédale de couloirs qui circulent entre chaque studio. J’en profite pour capter le nom de certains studios ; studio lingerie, studio pub, studio fond vert. Dans ma tête se forment déjà les idées de photos et d’utilisation des différents studios apprenant chaque jour un peu plus mon métier. Et puis après tout, si le photographe en chef de notre studio m’a demandé c’est pas pour rien. Je souris intérieurement de cette nouvelle perspective d’avenir. Jean-Charles stoppe net. Nous voilà face à une porte sans indication. Il la pousse et ouvre une petite pièce sans fenêtre, meublée d’une table et d’une chaise mais aussi de plusieurs chariots remplis à ras bord de bouts de papiers, de négatifs et de tirages.
« Voilà ton bureau pour un petit moment. Je veux que tu me classes tout ça par thèmes et par date. »
Il m’indique les chariots et leur contenu du doigt puis fait demi tour.
« Mais Monsieur…
- Au travail, on fera causette plus tard.»
Mes rêves sont tués prématurément et me voilà assis là à classer des clichés qui ne m’apprendront rien pour l’instant.
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Tureïs

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