Fragment #38 - En vouloir toujours un peu plus

Sean est déjà arrivé depuis un bon quart d’heure. Il est à peine vingt deux heures. Je sors d’une douche qui m’a bien retapé. J’ai passé la journée à courir à droite et à gauche dans différents magasins de Lille pour récupérer du matériel de l’agence qui était parti en entretien. Et j’ai récupéré mon boîtier Canon aussi. Je me sèche et m’habille alors que Sean s’acharne sur la manette de la Playstation. J’ai l’impression de retomber dans l’adolescence. Les soirées à répétitions, toujours un copain à la maison. Mes parents bien qu’étouffant, me laissaient recevoir autant d’amis que je voulais. Je n’en avais pas beaucoup, trop renfermé pour être un centre d’intérêt. Je me souviens de Jérôme. J’ai fait pas mal de conneries avec lui. Je n’ai plus de nouvelles depuis deux ans…
« Hey Damien ! Où allons-nous tonight ?
- Ce n’est pas moi qui décide. On verra bien.
- Shit ! J’ai pas envie de encore choisir.
- Tu ne vas pas avoir à choisir.
- What ? Why ?
- On ne sort pas qu’à deux ce soir »
Sean bondit sur le canapé. Il me fixe avec de grands yeux, à genoux sur la banquette tandis que je finis de boutonner les manchettes de ma chemise.
« What did you just say ?
- Tu as compris Sean. On est pas tout seul ce soir. »
Un gigantesque sourire traverse son sourire.
« Julie ?
- Oui.
- I knew it. Champion. She’s awesome!!! And you had... ???
- Quoi ? Qu’est ce que tu veux dire ?
- Je veux dire… »
Sean commence à mimer un acte sexuel, souriant à pleines dents lorsqu’il voit que je ne peux pas nier l’évidence.
« Oh man. You’re lucky !
- Oui, ben pas trop fort ok. Et tu dis rien s’il te plait. Elle ne devrait pas tarder à arriver.
- Ok. Je serai sage. »
Il retourne au jeu alors que je passe me voir dans le miroir de la salle de bain. Je m’observe un long moment. Mon visage est un peu moins terne que d’habitude. Sourire et vivre un peu ne me fait pas de mal. Fixant la prunelle de mes yeux j’ai la soudaine crainte de voir surgir la gueule béante du monstre d’acide. Car je sais que ce soir, il fera son apparition. Lorsque Julie m’étreindra, le monstre se déchaînera. Mais en même temps, est ce que je lutte contre lui ? La culpabilité m’étreint le cœur. Non Damien. Tu ne luttes pas. Tu aimes ça. Tu en veux plus. Tu désires Julie. Depuis le début. Tu veux sentir le parfum de son corps depuis la première fois, le parfum de son intimité. Et tu te vautres dedans. Tu ne luttes pas contre. Le monstre n’y est pour rien. Rien du tout. Tout est de ta faute. C’est de ta faute aussi si elle est partie. Tu le sais. La tête me tourne subitement. La sonnerie de l’appartement. Sean me crie du salon qu’il va ouvrir. Je l’entends accueillir Julie. Elle me rejoint dans la salle de bain. Son regard est doux.
« Coucou toi. Ca va ? Tu as l’air un peu pâle.
- Ca va. Un peu fatigué.
- Oh mon pauvre. Approche. »
Elle m’embrasse délicatement. Les images de notre première étreinte me reviennent. Cette violence ce soir là. Et là, cette douceur…
« Come on guys. Party time !!! »
Julie m’attrape par le bras alors que je suis Sean. Elle me regarde, souriante puis se penche vers moi.
« T’inquiète. Je te dévorerai plus tard. »