Sargas
| Sujet: Fragment #19 - Cruelle Rue Masurel 11.04.08 21:29 | |
| Dimanche 3 juin 2007 à Lille J’ai vu l’affiche d’une expo des transphotographiques qui se déroulait dans la crypte de Notre Dame de la Treille. J’y suis allé en passant par la rue de la Monnaie. Ce n’est qu’en sortant que ça m’est revenu. Une illumination à la sortie de l’église. Je suis sur la petite place qui sert de parvis et je fixe cette petite rue en face de moi. D’ici on ne voit que la courbe de la route, l’enseigne d’Astro City et l’ancien atelier Martin. J’avance jusqu’au bord de la rue. Mais je n’ose aller plus loin et voir tout cela de face. Je reste planté là, le regard vide, déjà tourné vers le passé, les passants me fixant d’un air interrogateur. Le passé qui se répand dans les veines, dans l’esprit, dans le sang. Un passé qui remonte jusque dans la gorge, au goût amer, acidifiant. Ca brûle la trachée et l’œsophage, l’estomac et les intestins. Ca ronge le cœur. Les mots qu’Agnès m’avait dit une fois me reviennent. Tu vis trop dans le passé. Fais face un peu à ton avenir. Je dois bouger. Je m’avance dans la rue. Je dépasse le magasin de musique puis Astro City qui fait l’intérieur de la courbe. Me voilà dans la partie principale de la rue Masurel. Le numéro 13 se profile. J’arrive devant le petit café. Il est là. Il n’a pas changé depuis janvier. Je ne suis pas repassé ici depuis qu’elle m’y avait emmené la dernière fois, commandant son habituel lait framboise et moi fixant mon sachet de thé diluant son parfum dans une eau bouillante. Elle aimait ce lieu hors du temps. Elle m’aimait aussi. Je crois. Nos esprits et nos cœurs n’étaient pas libres. Nos blessures n’étaient pas pansées. Les miennes ne le sont toujours pas. Nous y avons cru. Nous sommes devenus des fantômes, disparaissant peu à peu dans l’ombre, dans les méandres de nos vies. Je fixe la vitrine du café. Par l’ouverture, j’aperçois l’intérieur du café et sa déco faites de bric-à-brac, de vieux livres et même de vieux fauteuils de cinéma. Mon cœur se serre lorsque j’aperçois tout au fond la petite table ronde à laquelle nous étions toujours assis. Le passé me donne soudainement la nausée. Trop acide. Trop amer. Je ne sais pas si elle me manque, mais je sais que je ne peux rentrer plus loin dans ce lieu, son souvenir m’étant douloureux. Je m’éloigne peu à peu de la porte. Le ciel s’est assombri et les nuages semblent prêts à craquer et à déverser des litres et des litres d’eau. Mes yeux semblent prêts à en faire de même. Je repars vers chez moi. Les pensées s’accumulent dans ma tête. Je regarde autour de moi. Les murs de Lille suintent les souvenirs. De Sofia. De Suzanne. D’Agnès. Des autres. La ville ne m’épargne pas, me lançant à la figure les images du bonheur passé. Je ne suis à l’abri nulle part. Arrivé dans mon appartement, d’autres souvenirs m’attendent et m’agressent. J’ai beau fermer les yeux et hurler, rien n’y fait. Je suis assis contre le mur, les yeux clos et humides. Mon portable vibre dans ma poche. Mon père. Tu vas bien ? Tu n’as pas appelé ta mère encore alors suis inquiet. Je cherche le numéro dans le répertoire et appuie sur appel. « Allo ? - Bonne fête maman. » Je prends un air enjoué, faisant descendre en moi la boule qui bloquait ma gorge. « Ca va ? Tu as passé une bonne semaine ? Tu étais sorti pour ne pas appeler ta mère ? - Maman. - Ben quoi ? Qu’est ce qui va pas encore ? - Rien maman. Tout va bien » Tout va bien. Tout va bien. Tout va bien… Non rien ne va. | |
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Tureïs
| Sujet: Re: Fragment #19 - Cruelle Rue Masurel 02.02.09 4:20 | |
| C'est horrible quand un souvenir vous assaille comme ça. | |
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