Altaïr
| Sujet: Fragment #21 - L'Eau 09.04.08 15:19 | |
| Vendredi 2 juin 2006 à Dijon Enchâssé dans une lourde langueur liquide, je me prélasse, étendu sur l’horizon de mon édredon. Le Papier a investi mon temple du sommeil, révisions obligent. Les partiels me plongent dans un stress rongeant comme l’acide. Mes paupières sont si lourdes quand mes yeux se ferment… Je n’ai rien vu venir. En vainquant le miroir, j’avais cru devenir invincible, me parer d’une armure de titane (ou de diamant – est-ce vraiment un matériau aussi dur qu’on le raconte ?), mais je me suis chargé d’eau, j’ai enflé sans m’en rendre compte, et je rouille de l’intérieur. J’aurais du comprendre que le bonheur et l’insouciance, c’est une lutte quotidienne, mais j’ai laissé couler. Trop de fatigue, tous ces examens m’épuisent, je m’y investis trop. Où es-tu Jill ? C’est amer dans ma bouche. De l’eau de mer. J’ai envie de vomir, régurgiter ma peine océan, mais cela me prendrait des jours. Il y aurait de quoi inonder toute la ville. Tant d’eau. Un si petit tabernacle de chair. On dit qu'il y aura des guerres bientôt. La mathématique ne sait pas expliquer cela ; ces équations sont faites de mots et non de chiffres. Nil, Amazone, Gange, Rhin, veines et veinules, réseau transparent et bleuté, courrez sous ma peau, et délivrez vos eaux. Où es-tu Jill? Des flaques de notes et de cours sont dispersées dans l’appartement, depuis combien de temps n’ai-je pas pleuré ? Je ne me souviens plus. Il faudra ranger, ensuite. Se débattre dans l’eau pour mieux se noyer, atteindre la berge et planter ses doigts dans la boue, entre les joncs, s’agripper et s’extirper hors de l’eau saumâtre, la terre qui s’incruste entre les ongles. Ranger tout ça, ranger dans ma tête, huiler l’armure et la faire briller, afin que plus rien ne puisse la ronger. Et mes yeux aquifères déversent à torrents.
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