Altaïr
| Sujet: Fragment #245 - Le monde est si petit 12.04.08 11:17 | |
| Mardi 12 juin 2007 à Dijon Des champs s’étendent à perte de vue. La paille séchée par le soleil ardent roussit lentement sur une terre pleine de crevasses arides. Ca et là, des bottes de foin sont posées, immobiles, complétant un sinistre paysage de mort. Le silence pétrifie les environs brûlés. Rien ne vit sur des kilomètres. Je connais cet endroit.
De mon rêve, je sens le son du réveil m’extraire pour me ramener au réel, sur la surface blanche et moelleuse du lit, à côté de Justin. Qu’est-ce qu’il fout là lui ? Il est étendu sur le flanc, la tête appuyée sur la paume de sa main, il me regarde dormir avec son petit air d’amoureux. Et je déteste ça. Sur la table de la cuisine, Lilian et son meilleur ami, Alexandre, révisent. Je n'ai pas parlé à mon frère de mon contact de la veille avec Jed. Peut-être finira-t-il ainsi par l'oublier. « Vous passez rien aujourd’hui ? - Si, si, répond ironiquement Lilian sans me regarder, d’ailleurs en ce moment même on est au bahut en train de plancher sur une épreuve et tu ne nous vois pas. - C’est sympa de vous donner un jour de révision après la philo, je conclu avec sérieux. - Faut dire qu’on passe l’histoire-géo demain, annonce Alexandre tout en jouant avec son briquet. On en a bien besoin. - Va pas mettre le feu à l’appart, je lui dis, en voyant la flamme de son petit objet s’approcher dangereusement de la table. - Pas d’risque, il me répond, je suis pompier volontaire. Le feu, je connais. - Ah ouais ? s’exclame Justin, impressionné. - Ouais, fait Alexandre avec fierté, à la caserne de Plombières. » Tandis que Justin s’extasie devant les prouesses que lui raconte Alexandre, je fixe la bouche de ce dernier. Je connais cette bouche, les trois grains d’épice posés dessus comme trois étoiles sur sa lèvre inférieure. Mais serait-ce possible ? Je me souviens la dernière fois que je l’ai vue, le déclenchement du Procès de mon Corps, de mon Cœur et de mon Âme. Nos retrouvailles place du Bareuzet. Il y avait un garçon, assis à la table du café. Etait-ce toi, Alexandre ? « Dis moi, je me lance – et mon cœur se met à battre si fort que j’en tremble, tant le souvenir est fort, tant j’ignore si tout cela a un sens, tant je ne sais plus si je suis moi ou quelqu’un d’autre – tu n’aurais pas une sœur, Alexandre ? » Il me dévisage. Ses yeux se plissent exactement comme ceux de Laura. Je connais cette mimique pour l’avoir tant haïe et tant aimée. « Ouais, et tu la connais, me dit-il en détournant les yeux. »
Le monde est-il donc si petit ? | |
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