Procyon
| Sujet: Fragment #49 - Tant de temps 12.04.08 11:42 | |
| Lundi 26 février 2007 entre Plombières-lès-Dijon et Dijon 6h30. Je n’ai pas eu mes deux minutes et vingt sept secondes habituelles, et pourtant mon père fait déjà irruption dans ma chambre. Ouvrant fenêtre et volets. Quelques instant suffisent à un pseudo-réveil qui me permet seulement de crier : « Papa, bordel de merde, c’est les vacances, je vais pas me lever à cette heure là ! » Il se contente de hausser les épaules avant de quitter ma chambre. Impossible de me rendormir ; j’entends la porte du garage qui se referme. Ils sont partis pour la journée. Et moi réveillé pour la même durée. Je ne veux pas me lever ; je ne peux pas me lever. Engourdi les yeux ouverts ; endormi en cette fin d’hiver. Que faire ? Déjeuner ? Pas tout de suite. Soudain mes yeux, dans la lumière naissante du jour, se posent sur cette deuxième figurine. Identique à la première. En tout point. A cela près que je n’ai pas cherché à la dévisser malgré le fin trait autour de sous cou attestant d’une marque de couteau. En fait je sens, par la différence de poids, qu’il n’est pas vide. Mais je n’ai pas envie de l’ouvrir. Il est plus beau en un seul morceau. N’est-ce pas ? Je finis par me lever. Déjeuner. Me laver. M’habiller. Commencer à travailler. Mes yeux dérivent du bouquin de math, jusque sur ce foutu bout de plastique. Je dois l’éviter, je dois l’éviter. Il se met à léviter lorsque je veux ranger le livre remplis de chiffres, qui frôle de trop près le petit bonhomme. Alors je le ramasse. Je le tiens dans mes doigts. Une simple pression du pouce et la tête s’envole. Aurais-je peur de le décapiter ? Je le fixe. Il me fixe. Je n’arrive pas à me fixer sur son sort. J’ai droit de vie et de mort sur cette petite chose, et c’est lui qui me torture. Est-ce possible ? Que me veut Laura ? Voudrait-elle que je l’ouvre et que je l’aide ? Ou alors préférerait-elle que personne ne soit au courant et c’est pour ça qu’elle ma confié son secret ? Il est léger, mal gardé, mais apparemment lourd et dur a porter. Je revois encore les yeux qu’elle avait cette nuit là. Une vraie furie. Alors soudain je me lève, tenant toujours à bout de bras cette peste en puissance. Une maladie incurable nous détruit à petit feu. Il faut réagir. Je n’ai pas vécu heureux toutes ces années pour me laisser avoir de la sorte. J’enfile mon manteau. Deux bus plus tard, je sonne chez Lilian. Je lui dit alors, à travers la porte de sa chambre qu’il n’a pas l’air décider à vouloir m’ouvrir, que j’ai un service de la plus haute importance à lui demander. Au bout de quelques minutes de frémissements de l’autre côté du mur, la porte finit par s’ouvrir. Il n’y a pas de lumière dans la pièce. Il est torse nu. Derrière lui, elle enfile sa première chaussure. Je l’attrape par le bras, et le pousse dans la salle de bain pour lui expliquer mon problème. Avec beaucoup de réticence, il finit par accepter de me garder Haddock et son secret. En redescendant l’avenue Victor Hugo, je me sens soulagé. Mais je n’ose pas sourire. J’ai l’impression d’avoir posé une bombe. Je n’ai plus le droit de me réjouir. Pas tant que je n’aurais pas pris le temps de m’excuser. | |
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