Mintaka
| Sujet: Fragment #19 - Tremblement de terre 12.04.08 13:42 | |
| Lundi 9 octobre 2006 à Dijon Je grimpe dans le bus à toute vitesse. J’aurais dû réfléchir avant d’acheter tous ces livres d’un coup… Maintenant je suis partie pour me trimballer dix bons kilos sous le bras toute la journée. Moi et mon empressement… je ne changerai jamais. Bref, j’essaye tant bien que mal de me caler dans un siège du bus, recouverte de ma montagne de livres. Ok je viens de chiper la place d’une vieille dame, mais là c’est un cas de force majeur. Et pis elle a même pas de canne en plus… Si les feux ne sont pas décidés à passer au vert, je vais être en retard. J’ai rendez-vous avec une copine de fac à la Bibliothèque Universitaire, on va essayer de comprendre quelque chose aux cours de linguistique : mission impossible. Le bus s’immobilise enfin, j’ai encore quelques mètres à faire à pieds avant d’arriver à la BU, ça promet ! Finalement j’arrive tant bien que mal dans le hall, je sais que Ana m’attend au premier étage comme toujours, et je fonce sans même regarder où je mets les pieds. Une seconde plus tard, je suis par terre, entourée de tous mes livres. Je viens d’être percutée de plein fouet par un… J’aurais bien dit par un imbécile, mais je viens juste de lever les yeux, et c’est plutôt le mot « ange » qui me vient à l’esprit. Un bel ange qui me fixe de ses yeux sombres et perçants. J’ai l’impression que le temps s’arrête autour de nous, je ne peux détourner mes yeux de ce visage tellement parfait, aux traits fins et doux, de cette bouche tellement sensuelle et pleine. Ca ne peut pas être autrement, c’est un ange qui m’a percuté… Un ange. Et puis je me rends soudain compte que ce si bel ange a devant lui une superbe godiche, étalée par terre avec ses livres. Je prends le semblant de dignité qu’il me reste et commence à regrouper mes livres en baragouinant quelques mots que moi-même je ne comprends pas. Je me sens bête, ridicule et en claire position d’infériorité. Je relève doucement la tête, à la recherche de son regard, et je plonge carrément dedans, comme dans un gouffre sans fond. Je me reprends : « Désolée, je suis maladroite, je suis en première année alors… je suis un peu… tu vois ce que je veux dire… » Comme s’il avait quelque chose à faire de mes pauvres justifications. Il est là devant moi, tellement beau, tellement doux à mon regard, tellement mystérieux… et tellement muet ! Ce silence devient pire que la honte de ces dernières minutes, je me décide à filer et à oublier très vite tout ça : « Bon, eh bien à plus ! » Je me retourne, ma pile de livres sous le bras, en priant tous les dieux auxquels je ne crois pas pour que ça ne se finisse pas comme ça. Je voudrais qu’il me coure après, me retienne par le bras de sa douce main, je me retournerais et puis… « Heu… eh ! » (C’est un début !) « Je… je m’appelle Julian. Je suis en troisième année de Lettres… » Trop contente que mon ange m’ai enfin parlé, je m’empresse de lui répondre : « Ah oui ?... Moi aussi je suis en Lettres ! » Silence encore plus gêné… Quel talent de communication Lola, mes félicitations… Je suis morte de honte, je me suis totalement ridiculisée devant un ange, que dieu me pardonne. « Bien…je… je vais te laisser Julian… Il faut que j’y aille… » Je me dépêche de filer quand je me rend compte que je ne lui ai même pas dit mon prénom. Je profite de ce dernier retour pour contempler encore un peu mon éphèbe qui reste là, immobile. « Je m’appelle Lola… » | |
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